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HORS SERIE – HELLSINKI – BH : Le beau gosse de Chicha ?

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ZEZ
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C.E.O HELL SINKY, author, journalist, documentary


“Bah après ouais elles s’en rendent compte” BH





A 17 H, assis patiemment devant l’ordinateur, je reçois un message étonnant sur la Page Facebook de R*.*. C’est un dénommé BH. Sur sa photo de profil, je vois un “rebeu de chicha” parfait. Teint autobronzé, épaules larges, petite barbichette taillée au microscope, le type est à la chicha ce que l’eau est à la mer, l’un n’existe pas sans l’autre. La “beurette” veut me voir pour devenir “rappeur”.



Petit détail, je fais dans la promotion, je suis ni topliner, ni hitmaker. Mais bon je me décide à voir cet objet humain non identifié. Il me donne rendez vous devant “le crédit lyonnais” à Porte D’Or. En galère totale depuis quelques semaines, je me dis que ce contrat pourrait me permettre de survivre quelques temps. Je  prends un peu d’avance, avale un café, et écoute un petit titre de Kendrick Lamar “MAAD City”, en prenant l’Avenue du Général Leclerc. Les écouteurs sur les oreilles,dans la ville, je suis un fantôme qui vibre au rythme de Boss, Schneider, et de Beats. Personne ne compte, sinon la musique, et le théâtre de nos vies, Paris. Dans la rue les bâtiments sont plus intéressants que les humains. Ils sont chargés d’histoire, parfois celle de tous les hommes, quelquefois ces stories ne concernent que moi. Mais j’aime revisiter mon histoire et celle des autres en musique. Tout cette salade me détourne des regards méprisants et plein d’arrogance des parisiens antipathiques ou des parisiens pas tout à fait parisiens.



Devant la LCL, pas de beurette, encore moins de “beau gosse” avec “un teint de mandarine” (CaseyAnti-Clubbing). Il y a un juste un grand mec un peu gros à casquette et pas très bien apprêté. Je m’approche de lui.
-BH
-Oui ça va khey ?
-T’as pas mis ta vraie photo sur Facebook ?
-Non c’est pour les meufs
-Et les meufs ne s’en rendent pas compte ?
-Bah après ouais elles s’en rendent compte


BH a l’air encore plus “chelou” lorsqu’il ouvre la bouche que lorsqu’il se présente avec une fausse photo de “beurette” sur Facebook. Il me raconte sa vie de cuisinier qui vit chez maman (à ce stade je n’ai absolument rien à dire), et sa passion pour la musique. Je m’empresse de lui demander s’il a déjà fait des sons. Il me balance deux ou trois titres pas trop mauvais, mais il y a véritablement un problème. Les jeunes rappeurs “sont des génies armés de stylo bille” (Akhénaton “Même les Anges”) , leur carrière même dans le Rap indépendant est le fruit d’un long cheminement artistique qui passe par l’apprentissage des lettres, du rythme, et de la musique. BH n’a pas eu droit à cette apprentissage, il a décidé de devenir rappeur car comme beaucoup il considère que c’est un véritable eldorado à l’heure qu’il est.

Le choix devient encore plus difficile pour moi car le rappeur du Nord de Paris a un bon fond. C’est un homme simple, qui a le cœur sur la main. Alors j’accepte. J’accepte de lui faire un ou deux titres, de le diffuser un peu, çà lui fera une aventure “artistique”.


Après avoir contacté deux ou trois beatmakers sur YouTube, on commence l’écriture. Avec sa tronche de cuisinier ravagé par les 35 heures, son physique d’athlète spécialisé dans le triathlon Mac Do, Bedo, Vidéo, je le vois plus dans le Rap Conscient que dans le Rap de Chicha. Je laisse donc ce haut lieu du clubbing sans alcool à sa photo de profil sur Facebook. Le premier titre s’appelle M*.*.

Dans le merdier de “M*.*”, le rappeur s’adresse à la première et à la deuxième personne à M*.* censée représentée la France. Le texte est bateau mais le Rap ce n’est pas de la philosophie. Le rappeur est témoin de son temps, pas le messager des hommes, ni celui de Dieu. Je l’envoie au Studio de Nicolas C. pour qu’il réalise son premier titre. Le mec revient après 2 heures le sourire aux lèvres et un peu gêné comme une pétasse qui vient de faire son premier jour chez “les marseillais”. J’écoute le titre attentivement. Et au premier couplet, ça : “M*.*, de ce que tu voulais demander en”.

J’arrête en cours de route.
“Mec pourquoi ca veut rien dire là ?”
“Bah c’est ce qui était écrit”.
“BH gros tu peux quand même réfléchir à ce qui est écrit. Il y a juste une rature. Tu peux pas chanter des choses qui ne veulent rien dire”.

BH fait la tronche. Et puis finalement, tous ces titres Trap indépendants réalisés avec les moyens du bord, où des jeunes de banlieue ou de paris exhibent fausse fortune, et fausse richesse quelquefois avec beaucoup de maladresse sont-ils meilleurs sur le fond ? (‘j’étais dead le jour où j’ai vu un rappeur se frottant les mains dans un clip avec 10 billets de 20 euros c’était tordant). On a tendance à se tromper de problème. Quand Migos monte dans une berline avec trois femmes objets, quelques billets de banque, et de la weed, c’est tout le passé esclavagiste des USA qui s’en trouvent ébranlé. Je suis descendant d’un esclave mais je vis mieux toi. Le Rap américain glorifie le capitalisme mais il met en branle l’establishment et la ségrégation.



BH n’est pas analphabète mais il n’est pas lettré. Avec ses mots, il met le doigt sur des incohérences que pour notre part on ne remarque pas aveuglé par la matrice qu’est notre société. Son art, le Rap est le témoignage de sa minorité, de la minorité muette. Par contre il devrait relire ses fiches avant d’entrer au studio….

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