Monday, December 9, 2024

Track 5 : Laisse pas Traîner ton fils

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ZEZ
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C.E.O HELL SINKY, author, journalist, documentary

Ce matin quand je suis arrivé au bureau de Colin, la porte d’entrée était éclatée. J’ai su plus tard, qu’un employé mécontent de ne pas avoir obtenu son salaire l’avait explosé avant de partir. Une employée d’ailleurs. Le bureau était désespérément vide, mes poches aussi, “quand tu retournes tes poches la poussière te pique les yeux” (IAML’Enfer). Alors je me suis installé au milieu du “néant“, j’ai regardé ce filou de Colin dans les yeux. Et je lui ai proposé un arrangement : je gère l’open space, tu gère une agence de communication qui ne communique sur rien, je t’amène des clients, et toi tu me laisses faire. Colin me faisait pas confiance mais il faisait encore moins confiance au trou noir qu’était devenu la GP alors il accepte.

Je contacte les plus “petits sites” de rap que je trouve : RadioType28, Astral Hip Hop, et ActuB. Je les invites dans l’Open Space. Je rencontre d’abord le gérant d’Actu B. Le mec est un véritable passionné de Rap. La raison ? Il a été incarcéré il y a quelques années, et le rap qu’il écoutait assidument l’a sauvé de la folie. Pas besoin de parler d’argent avec lui, Srab veut que les indés qui l’accompagnent arrivent au firmament. Ces “indés” ce sont les rappeurs indépendants du 93, Babali Show, Despee Gonzales et Dino, et les autres. Ces rappeurs officient autour d’un squat que l’on l’appelle Le Plan B.

Le Squat : Le “Plan B”

Le deuxième DJ KeFas est aussi bon avec ses platines, qu’avec les chiffres sur internet. Il veut faire de Radiotype28, une onde alternative à l’heure des Skyrock et des Générations FM. Quand au dernier, Laurent de Astral Hip Hop, c’est le vrai journaliste de l’affaire, son fanzine de hip hop comme lui même passionné de vrai musique est anachronique à l’heure du hip hop business. Je travaille en collaboration avec Célia une journaliste aguerrie et avec Alex, mon stagiaire.

C’est avec Srab de Actub que je me prends d’amitié en premier lieu. Ce vétéran de la cause hip-hop officiait déjà à Radio Plurielle pendant les balbutiements du mouvement. En revanche c’est un puriste, un vrai. On reconnaît les anciens à deux choses dans ce petit milieu qu’est le Hip Hop. Tout d’abord leur style façon lascar ultra tendance dans les années 90′ avec Fila, dans leur façon de parler aussi puisqu’ils alimentent le jargon de leur époque, et enfin et surtout dans leur défense des valeurs suprêmes du mouvement hip-hop, ce sont les Robespierre de la cause, les gardiens du temple. Ne parlez pas de Trap à Srab, il pourrait vous aligner une droite dans la volée. Et si par malheur vous venez à lui parler d’un certain Jul (actuellement rappeur ayant vendu le plus de disque en France toute époque confondue), vous pourrez ne plus être de ce monde en rentrant chez vous. Le Srab vous attendrait une épée en main avec en guise de bouclier le premier Busta Rhymes.

Le Srab raconte énormément d’histoires et ayant croisé plus de mytho que de héros dans ma vie, je reste circonspect. Il passe à la GP ou Célia tente suivant mes instructions de réunir les petits médias rock. Mais si on est bien accueilli dans le Rap, le Rock “n’a plus de couilles depuis longtemps” (Youssoupha) en France, et le fait savoir avec des mails évasifs à chacune de nos sollicitations. Quant à Maude, JRI, de passage deux jours qui devaient s’occuper de l’électro. Elle est dépêché pour une mission en Moyen Orient, ou je ne sais pas trop où. Moi je travaille donc sur le Rap à réunir l’ensemble de la classe médiatique en commençant par les nains pendant que Srab me raconte les histoires de Hip Hop Street. Puis un jour il me demande si je veux interviewé Sear Get Busy. Ce mec c’est la marque FILA à lui tout seul. Le test de mythomanie est prêt, je dis oui.

Et là trois jours plus tard, je vois débarquer Sear Get Busy et DJ Kefran dans les locaux de la GP. Je me suis absolument pas préparé. Sear Get Busy, est le fondateur de Get Busy, fanzine mythique du Rap Game, et plus tard d’Authentik. Tous les magazines ou fanzines traitant du Hip Hop ont disparu avec la popularisation d’internet. Reste le Rap’n’RnB Mag mais bon. Dès que le haut débit a offert la gratuité et des vidéos, notre “générations d’analphabètes qui veut se convaincre que rien n’est écrit” (Orgasmisc feat Fuzatti) saute sur l’occasion. Aujourd’hui, Sear commente l’actualité sur Facebook et il en fait même des bouquins. Le pauvre real muzul est souvent l’une de ses cibles préférées. Et pour l’avoir suivi 3 mois durant, il est pire que Booba sur un réseau social. C’est un clash ambulant.

Ce fondateur de la culture Hip Hop a aussi traîné autour de Paris 8 La Fac Hip Hop Ce con m’impressionne vraiment. L’interview n’est vraiment pas exceptionnelle. Je gigote, et je me plante comme une meuf de 14 ans qui organise sa première boom pour son anniversaire. Je deviens le Raphaël Merzahi du Rap pendant 10 minutes. il me donne le tempo en une seule phrase qui restera lorsque je quitterai Paris : “Hier, le Rap nous a permis de sortir des quartiers, aujourd’hui il en enferme plus d’un“. Oui c’est vrai, et Srab le sait aussi. Dans chaque cité de France, il y a au moins un rappeur. Il y a des dizaines et des dizaines de milliers de cites. Et au final une poignée d’entre eux deviennent célèbres puis disparaissent dans les couloirs du temps. Le Rap et le football c’est ce que l’autochtone a laissé au fils d’immigrés pour qu’ils se sentent exister. Si Shurik’n dénonçait dans “Animalement Votre” : “le sort qui pousse nos pères à la truelle“, j’aurais tendance à m’étonner de “la fatalité qui nous envoie jouer du stylo bille ou du ballon“. “Pas d’ingénieur dans mon équipe” disait le (113 – Les Princes de la ville) , mais “tu envieras ceux qui auront poursuivi l’école(Kery James – “L’impasse“). car beaucoup de rappeurs vivent au RSA au crochet d’une meuf qui en peut plus.

Peu après, le Srab me présente Dino et Despee Gonzales. Je les connaissais pas très bien. Ces gars sont énormes. Les deux hommes fatigués de faire des “bides” sur Youtube se sont lancés dans le métro. Bon la concurrence dans le métro, entre les roms qui agitent leur MD qui fredonnent souvent l’air de “Those Were the Days” de Marie HopKins, et les SDF de base qui mendie , c’est moins difficile que d’être aligné face à Booba et Kaaris. Mais c’est fort car on a toujours reproché aux rappeurs d’être égotrip voir complètement imbus de leur personne. Les deux hommes techniquement irréprochables et de la vieille école n’ont aucun mal à mettre le égo de côté, et partir à la rencontre d’un peuple qui ne connaît pas le rap au coin du métro. Ils vendent 15 000 disques comme ça, le Parisien leur consacre un sujet.

Babali Show :Une figure du plan B qui a aussi joué un rôle dans “Brooklyn”

Le Srab m’invite chez lui pour rencontrer sa femme et ses enfants. Il y a une beauté dans ce Hip Hop, dans cet esprit Hip Hop qui réunit tout le monde dans la fraternité. Mais l’argent pour beaucoup c’est plus beau que l’amour et l’amitié réunis. C’est ce qui me séparera du Srab.

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