Tuesday, November 18, 2025

« Finalement » : Kemmler renaît de ses cendres

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C.E.O HELL SINKY, author, journalist, documentary
Perchée sur les hauteurs de la cité phocéenne, Notre-Dame de la Garde veille sur un paysage musical en perpétuelle mutation. C’est là, au cœur de Marseille, qu’un certain Jul a façonné une nouvelle école du rap, prolongeant l’héritage d’un hip-hop français né à la fin des années 1980. Son style, accessible et fédérateur, a traversé les frontières, s’exportant du Vieux-Port jusqu’en Suède. Nombreux sont les rappeurs marseillais qui s’inspirent de son esthétique. Tous ? Non. Kemmler, lui, trace une route parallèle. Ce dernier, qui a débuté la musique à 14 ans avec son groupe Renega, partage avec Jul un seul véritable point commun : l’introspection.

Dans son projet « Alain », sorti en 2024 et dédié à la mémoire de son père, Kemmler livre une œuvre poignante. Il y explore la douleur de la maladie et le deuil avec une sincérité rare. L’album, sombre et méticuleusement écrit, se présente comme un tableau émotionnel, brut et sans artifice, porté par un artiste qui n’a jamais eu peur de mettre ses failles en musique.

Quelques mois plus tard, l’artiste revient avec un nouvel opus, « Finalement ». Dès l’introduction, sur le titre « Chaise vide », il évoque le dénouement tragique d’« Alain » — une conclusion douloureuse mais inévitable. Dans une interview accordée au magazine Nouvelle Vague, il explique la volonté de transmettre une lumière nouvelle, née des ténèbres qu’il a traversées :

« Oui. Je ne voulais pas resservir la même chose à ceux qui me suivaient déjà. Le contexte de “Alain” était tellement dramatique, entre ma séparation et la maladie de mon père. C’était un tel bouleversement, comme une machine à laver. Je ne pouvais pas raconter des choses solaires. Là, l’album s’appelle “Finalement”, la vie continue, il fallait que ce soit ça que je raconte, plutôt que de raconter la tristesse profonde. Il fallait qu’il y ait de la lumière dans ce projet. Je pense aussi que c’est ce que mon père aurait voulu. »

« Finalement » : Kemmler renaît de ses cendres

« Finalement » n’est pas un album joyeux, mais un album vivant. Bien avant « Alain », Kemmler avait déjà l’art de bercer ses auditeurs entre mélancolie et espoir. Depuis son titre « Moi aussi », il manie avec finesse l’équilibre entre gravité, humilité et sincérité, transformant ses émotions en matière poétique.

Sur ce nouveau projet, Kemmler s’entoure notamment de KNY Factory et Nazim. Le premier, producteur reconnu, a notamment travaillé avec La Zarra et signé le morceau « Tu me donnes chaud » pour Taïro. Le second, Nazim, est un auteur-compositeur émérite, connu pour ses collaborations avec Amir et Claudio Capéo. Dans son univers comme dans sa plume, Kemmler se rapproche de plus en plus de la chanson française, cette école du mot juste et du verbe habité. Youssoupha l’avait prophétisé dans son morceau « Chanson française » : la musique urbaine deviendrait la nouvelle chanson populaire. Chez Kemmler, cette alliance s’impose comme une évidence.

Le titre « Comme personne » a ouvert la promotion de l’album. Fidèle à lui-même, l’artiste évite l’égotrip et préfère exposer ses failles, livrant une fois de plus un projet « à livre ouvert » :

« L’habit fait pas l’moine, j’suis en The Kooples
J’fais le dur, y’a Céline dans mes écouteurs
J’prends des décisions qui m’séparent du monde
J’annule tellement de dates que j’ai initié. »

L’amour refait également surface dans l’univers de Kemmler, teinté d’une mélancolie douce, fidèle à sa signature artistique. Il évoque ces relations fragiles, ces histoires condamnées avant même d’avoir commencé, comme dans « Si un jour tu pars » :

« Que j’suis pas avec toi, que j’suis autre part
Tu m’dis de foutre le camp
Tu me souris, pourtant j’dirais qu’on s’aime
Mais on s’aime à contretemps. »

À contre-courant d’une musique urbaine dominée par les egos et la recherche du buzz, Kemmler s’affirme comme la voix d’une chanson française moderne, sincère et vulnérable. Avec « Finalement », il franchit une nouvelle étape — à la fois personnelle et artistique — et signe une œuvre touchante, reflet d’une génération en quête de sens, qui apprend doucement à devenir adulte.

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