Le 4 février 2025, dix personnes ont été froidement assassinées au SFI (centre de formation pour adultes) d’Örebro. La Suède a connu “la pire tuerie de masse” de son histoire, selon le Premier ministre modéré Ulf Kristersson. Un nombre important de victimes est issu de l’immigration, mais pour l’instant, les enquêteurs n’ont pas qualifié le crime de “raciste” ou de “terroriste”.
Alors que les États-Unis sont fréquemment confrontés à ce type de drame, l’Europe commence à voir émerger les tueries de masse sur son sol. Quelles sont les raisons expliquant cette recrudescence des attaques meurtrières sur le continent ?
Une montée progressive des tueries de masse en Europe
Au début des années 2000, le monde découvre, stupéfait, le film Elephant de Gus Van Sant. Ce long-métrage revient sur la tragédie de Columbine, où deux lycéens ont ouvert le feu dans leur établissement. Ce film est marquant, car il dresse le portrait psychologique des auteurs de massacres scolaires, un profil qui se répète inlassablement.
Aux États-Unis, la constitutionnalisation du port d’armes explique en partie la répétition de ces drames. Certains lycées ont même installé des portiques de sécurité à l’entrée pour détecter les armes à feu. En Europe, et particulièrement en France, les crimes de masse ont longtemps été associés au terrorisme islamiste. Mais depuis quelques années, un nouveau phénomène, importé des États-Unis, gagne du terrain : la tuerie de masse.
Les événements marquants en Europe
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Depuis les années 2010, l’Europe a connu plusieurs tueries de masse marquantes, bien que ce phénomène reste moins fréquent qu’aux États-Unis. Parmi les événements les plus tragiques figure le massacre d’Utøya en Norvège (2011), où Anders Behring Breivik a tué 77 personnes lors d’une attaque terroriste. L’Allemagne a également été touchée avec la fusillade de Winnenden (2009), où un adolescent a abattu 15 personnes, et celle de Munich (2016), qui a fait 9 morts. D’autres événements notables incluent la fusillade de Cumbria (2010) au Royaume-Uni (12 morts), l’attaque de Hanau (2020) en Allemagne, motivée par des idées xénophobes (9 morts), et la fusillade de Liège (2011) en Belgique (6 morts). En Suède, l’attaque à l’école de Trollhättan (2015), où un assaillant a tué un enseignant et un élève, a marqué le pays par sa violence. La Serbie, quant à elle, a été frappée par la fusillade de Mladenovac (2023), où un tireur a tué 8 personnes.
Plus récemment, la fusillade du Campus Risbergska à Örebro, en Suède (2025), est considérée comme la pire tuerie de masse de l’histoire du pays avec 10 victimes. Son auteur, Rickard Andersson, un homme de 35 ans, a agi sans motif clair identifié à ce jour, bien que des soupçons de motivations racistes aient émergé. Contrairement aux États-Unis, où ces tragédies sont souvent associées à une large disponibilité des armes à feu et à des problèmes de santé mentale non pris en charge, les attaques en Europe sont souvent liées à des idéologies extrémistes, à des crises psychologiques, ou à des vengeances personnelles. Cette recrudescence des tueries en Europe souligne l’importance de politiques de prévention plus rigoureuses, notamment en matière de surveillance des profils à risque et de régulation de l’accès aux armes.
L’attaque d’Örebro : un tournant pour la Suède
Le 4 février 2025, Rickard Andersson entre sur le campus Risbergska à Örebro et assassine une dizaine de personnes, dont de nombreuses issues de l’immigration.
À la différence d’Anders Behring Breivik, qui se considérait comme un “croisé” et appelait à la guerre contre l’islam, Rickard Andersson n’a laissé aucune trace sur Internet. On sait seulement qu’il a été recalé trois fois par l’armée, qu’il était sans emploi et vivait en reclus. Son absence d’activité sur les réseaux sociaux complique l’établissement d’un mobile clair.
Toutefois, l’État lui avait accordé un permis de port d’armes, et il aurait utilisé une de ses armes pour commettre ces meurtres. En l’absence de preuves numériques ou de déclarations explicites, il est difficile pour la justice de qualifier le crime de raciste. Cependant, le choix de la cible – un campus accueillant de nombreux étudiants immigrés – peut être interprété comme un début de preuve.
Quelles sont les causes de la recrudescence des tueries de masse en Europe ?
L’un des principaux facteurs expliquant la contagion des tueries de masse est la médiatisation excessive de ces événements. Lorsqu’une attaque est largement couverte par les médias, avec des détails sur l’auteur, ses motivations et son mode opératoire, cela peut involontairement inspirer d’autres individus fragiles ou en quête de reconnaissance. Ce phénomène est connu sous le nom d’effet Werther, un concept psychologique qui explique comment certaines personnes peuvent être incitées à imiter un acte violent après avoir été exposées à des reportages sensationnalistes. Aux États-Unis, où les fusillades de masse sont fréquemment médiatisées, des études ont montré que le nombre d’attaques augmente après un événement majeur, suggérant une forme de mimétisme. En Europe, la montée en puissance de ce phénomène pourrait être liée à cette même surexposition médiatique, facilitée par la mondialisation de l’information via les réseaux sociaux et les plateformes de streaming.
Un autre élément clé de cette expansion des tueries de masse est l’accessibilité aux armes à feu. Si les États-Unis restent le pays où la possession d’armes est la plus courante, l’Europe connaît aussi une augmentation de la circulation illégale d’armes, souvent en lien avec les conflits dans les Balkans ou au Moyen-Orient. En Suède, où la criminalité liée aux armes a augmenté ces dernières années, la fusillade du Campus Risbergska à Örebro témoigne de la difficulté à contrôler la prolifération des armes dans certains milieux. Lorsqu’un individu déjà vulnérable parvient à se procurer facilement des armes, la tentation de commettre un acte violent devient plus grande. L’accès aux armes, combiné à la frustration personnelle ou idéologique, peut transformer une simple pensée destructrice en un passage à l’acte meurtrier.
Enfin, les facteurs sociaux et psychologiques jouent un rôle déterminant dans la propagation de ces actes violents. Les auteurs de tueries de masse partagent souvent des profils similaires : isolement social, troubles psychologiques non diagnostiqués, rancune envers la société ou une idéologie extrême. Dans de nombreux cas, ces individus se sentent marginalisés et trouvent dans la violence une manière d’exister ou de se venger. L’essor des communautés en ligne dédiées à des discours extrémistes ou nihilistes a également contribué à cette dynamique. Certains tueurs de masse s’inspirent des manifestes d’anciens criminels, cherchant à surpasser leurs prédécesseurs ou à revendiquer leur propre place dans cette sinistre histoire. Cette combinaison d’isolement, de frustration et de fascination pour la violence médiatisée constitue un terreau fertile pour l’essor de ces tragédies, qui, bien que plus rares en Europe qu’aux États-Unis, semblent gagner du terrain.