Home STAY IN CHRONIQUE Pourquoi on n’écoute plus la musique de la même manière ?

Pourquoi on n’écoute plus la musique de la même manière ?

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A la fin des années 90′, en 1997, pour être plus précis, j’ai traversé la rue de la roquette plein d’enthousiasme pour acheter le dernier volet de la galaxie de Mars : “L’école du Micro D’Argent”. Cet album mythique d’un du groupe IAM a tourné sur ma chaîne Hifi des heures et des semaines durant. Je connaissais chacun de ses morceaux, j’avais appris les lyrics par cœur, de “La Saga”, en passant par “L’Empire du côté obscur” en passant par “L’enfer” et l’excellent “Un Bon Son Brut pour Les Truands”, l’opus du groupe marseillais avait pris le rôle d’une icone moderne, un objet éternel traîné d’une pièce à l’autre, contenant une substantifique moelle que des années auparavant Rabelais avait appelé de ses vœux lorsqu’il avait écrit son Gargantua.

Prés de 4 ans plus tard, avant l’éclosion de la révolution numérique, j’ai écouté l’album “Chronic 2001” avec la même saveur. Il n’est pas un titre sur le dernier album de Dre qui ne peut être considéré comme un Bangerz. Traumatisé par sa propre création, le Roi de WestCoast annoncera Detox pendant près de 15 ans avant de dévoiler son testament Compton qui annonce juste la relève dans la ville éponyme avec en toile de fond le géant Kendrick Lamar, et son engagement par les droits civiques, nouveau débat d’une Amérique explosée par la présidence de Donald Trump.

La distribution musicale a été bouleversé par l’arrivée du MP3 d’abord puis par l’arrivée du streaming. A la fin des années 10′, la révolution numérique a bouleversé la donne. Les ventes de diques compacts (CD) ont culminé à plus de 150 millions d’unités en 2002 pour chuter à près de 90 millions en 2006. Il s’agit d’une chute historique. Parallèlement, les magazines spécialisée en musique, les radios, et les télévisions ont perdu leur hégémonie en matière de découverte musicale. YouTube tout d’abord, My Space pendant un temps, puis les réseaux sociaux tel qu’on les connaît aujourd’hui ont révolutionné la consommation, puis également la production musicale.

Une première observation consisterait à dire qu’en l’absence d’objet réel représentant le travail d’un artiste comme un album avec la révolution de l’immatériel. Et avec cette nouvelle capacité qui découle de la révolution numérique, et qui permet que ce soit sous forme de piratage ou de streaming à n’importe quel utilisateur d’écouter ce qu’il veut là où il veut, la production musicale s’est “singleisé”. Un utilisateur lambda n’écoute pas la musique, il la consomme. Et cette consommation rapide du “tout de suite”, et du “tout maintenant”, favorise la distribution de single. Les artistes se sont adaptés à cette nouvelle donne, et mise la plupart du temps sur un single. Après la sortie du single “Habitué” de Dosseh j’avais discuté avec DST un célèbre beatmaker… Il m’avait affirmé que la couleur artistique de l’album “VIDA LO$$A” était aussi sombre que le bitume qui avait vu grandir Dosseh. Et pourtant avec single “Habitué” multiplatinum, le rappeur rend une copie “mainstream” où il chantonne. Il prépare la promotion de son album et rend son véritable travail dans un “VIDA LO$$A” que les puristes apprécieront. Voilà en quoi la production musicale a évolué avec l’évolution de la distribution.

Car si au début des années 2000′, un artiste devait élaborer un plan de carrière en passant par le réseau traditionnel qui devait l’emmener à signer en Maison de Disque, aujourd’hui la donne est différente. A cette époque, la signature en Major ouvrait les portes des médias spécialisés et mainstream permettant à l’artiste de faire sa propre promotion. Aujourd’hui avec la révolution et les réseaux sociaux, il n’y a plus de filtre entre l’artiste et son public, lorsqu’il signe en Major, cette dernière achète un produit fini. L’artiste doit donc se débrouiller par lui même pour intéresser le public très versatile des réseaux sociaux qui en moyenne n’a que quelques secondes d’attention pour juger de la valeur d’une publication, et qui réfléchit souvent au nombre de likes.

Là encore il y a une nouvelle donnée. Avant de connaître un artiste, on apprenait à connaître sa musique. Avant de dévoiler les traits de sa personnalités, un artiste explosait avec sa musique. Aujourd’hui, un artiste se définit non seulement par sa musique mais également par son story telling et l’importance de ce qu’on appelle son visuel. A ce titre, le meilleur exemple dans le Rap est le formidable SCH. Personne ne met en doute la capacité de l’artiste à rapper. Avec son flow fuyant et flippant, il est l’un des rappeurs les plus originaux. En revanche, depuis ses débuts avec la mixtape “A7”, SCH a mis en place une véritable adéquation entre le visuel et la musique avec un style vestimentaire tout à fait singulier. Il s’est démarqué et c’est la base de la communication. Avec son dernier album “JVLIVS”, il a permis à Fifou de réaliser son premier moyen métrage éponyme.

Autre données, l’importance des “indies” du Rap. Jul, PNL et beaucoup d’autres comme Demi Portion sont des artistes qui évoluent avec une boite de distribution et non pas une prod. On pourrait y voir un gage de liberté sachant qu’une maison de disque avance souvent avec un cahier des charges. En réalité, il y a eu une translation. Ces artistes tentent de se conformer aux attentes de leur public pour pouvoir survivre de leur musique. Dans le cas de Demi Portion il s’agit d’un public qui le suit au quotidien. Dans le cas de Jul, c’est effectivement plus “mainstream”. Mais sans un public fidèle, ces artistes seraient aussi orphelin qu’un rappeur qui perdrait sa maison de disque sur une affaire financière. L’indépendance, bastion de la créativité artistique, est désormais tributaire, des attentes pressés d’un public de plus en plus jeune..

La musique en France a évolué sous l’effet de l’évolution de son mode de son consommation.

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