Une semaine de dur labeur au chevet de mon ordinateur, vestige grimaçant de ma vie parisienne, et me voilà parti pour le week-end. Est ce que le Corona est un lointain souvenir ? Ou est ce qu’il a toujours les yeux fixés sur nous comme “La Peste” d’Albert Camus pour se réveiller dans notre “cité heureuse“. Comme le début de la track de “Keep Their Heads Ring On” de Dre, je m’étire sur mon siège et crie : “Thank God It’s Friday“.
J’ai toujours affectionné la vie de Café ! A Paris, dans la ville lumière, j’avais quelques spots de prédilection comme le Café des Anges à Bastille ou le Combat à Belleville, ou encore le Verre Siffleur, seul café correct du XIV ème.
A Stockholm je me suis retrouvé un peu orphelin au départ. Les Cafés ne font pas partie de la culture du suédois. Quelques Starbucks ou Expresso House, vaine tentative de réappropriation de l’art des Café par des Géants américains, ornent les rues de la Capitale suédoise. Mais en tout état de cause, un Mac Donald’s ne remplacera jamais un restaurant. Ce n’est pas une question de snobisme, c’est la grande différence entre “manger” et “bouffer“. Et dans les cas des Starbucks, entre “boire” et “s’abreuver“.
Cependant pas loin du centre de Stockholm, “Delphine et Edouard” ont ouvert un restaurant français. Le maître des lieux, bobo sans le savoir, visite des producteurs français au cours de l’année, et offre une carte plus que correct qualitativement. Les prix un peu exhaustif n’enlève rien au charme de ce lieu convivial, un Paris perdu entre un restaurant italien et quelques boutiques austères dans une rue latérale de Stockholm. Dans mon case, il s’agit surtout d’un lieu perdu dans mon temps entre ma vie à Paris et ma vie à Stockholm. Je m’oublie un peu, et je me retrouve toujours.*
A. comme à l’accoutumé m’accompagne dans mon déplacement. Après quelques minutes écoulés à l’intérieur du restaurant, Edouard nous offre une place en terrasse. On échange quelques banalités puis vint l’heure du débat. A. veut aller dans un Karaoké dans le suédois underground. Déjà l’idée du Karaoke ne me plaisait pas trop. Les seules personnes qui m’ont entendu chanter dans ma vie ne s’en rappellent sans doute plus puisque j’ai du arrêter au même moment où je fêtais mon cinquième anniversaire. Puis pourquoi aller dans le “quartier suédois” ?
Il en fallait pas beaucoup pour m’enflammer. Pris d’un gauchisme forcé, j’ai répondu que j’avais passé assez de temps au “quartier” dans mon enfance pour aller “le visiter” comme un “touriste“. Et pour moi “le quartier” n’a rien d’excitant !
A. m’a dit que je comprendrais une fois sur place. J’avalise le choix douteux de ma partenaire. On quitte Edouard et Delphine après avoir gouté une bouteille de Chablis “féministe“. Oui, ce Chablis assez célèbre a une histoire assez particulière. Le domaine était géré par un couple de français. Au décès de son mari, la maîtresse du Domaine a repris l’exploitation en main. Le vignoble est encore plus célèbre aujourd’hui..
On rejoint M. et L.A, puis on prend le Uber direction Rolasgatan. Bon le Sevran suédois ressemble un peu à Belleville. Les suédois sont beaucoup moins nombreux que les français pour un territoire comparable. L’aménagement du territoire y est réussi. Les “quartiers” en Suède n’ont rien à avoir avec les territoires abandonnés par les Républiques en France. Le coin est plutôt agréable.
On prend d’abord un verre dans un bar de quartier. Exceptionnelle j’ai l’impression d’être au Folies Belleville. Le café surplombe une vaste de place avec un supermarchés et quelques taxiphones. Seul ombre au tableau, je prend un “rosé” couleur “monaco”, il est tellement mauvais que je me rabat sur l’eau. Une bande de graffeurs nous rejoint (12 mecs) je me dis que dans le street art aussi, les femmes ont leur carte à jouer.
On parle du temps de Napster. M s’emballe sur un souvenir : “Tu sais quand tu passait 4 heures à télécharger un MP3 et qu’au dernier moment, à 97 % ta connexion s’envolait avec ton petit espoir de récupérer le sésame“. Pour ma part, je pense au fétichiste du téléchargement. J’avais un lointain cousin que je n’ai pas revu depuis l’âge de 14 ans qui procédait de cette manière : “Il voulait tout, il téléchargeait tout, il ne regardait même plus les série“. Oui certains tentent de posséder la toile, c’est la toile en réalité qui les possède.
On bouge au Karaoke. Devant la porte, une quinquagénaire en mini-jupe, blonde décolorée, tout droit sorti d’un film de David Lynch nous accueille à l’entrée avec une fouille au corps. J’ai oublié ma “Kalash” d’iranien au Bled alors on est invité à rentrer.
J’aurais beaucoup de mal à définir la population dans ce “bar”. Il y a une bande “de jeunes un peu hype au centre“, deux blondes un peu seules qui attendent le défilé des dragueurs, trois hommes un peu gras habillés en prof de sport à la retraite, un rasta un peu bourré, et un couple assez louche qui regarde tout le monde.
Première surprise, un “cul terreux” reprend “Queen“. On s’attend au pire et pourtant l’homme est plutôt à l’aise. Son interprétation est parfaite. Alors ? Alors on imagine un peu… Ce travailleur peu aisé quadragénaire passe sans doute ces longues soirées d’hiver à s’entraîner devant son miroir avec son logiciel de karaoké. Ce vendredi soir, comme d’autre soirs dans la semaine, c’est son heure de gloire, sa façon à lui de nous faire comprendre qu’il est lui aussi exceptionnel. Il met du cœur à l’ouvrage. Devant un auditoire un peu vide, acquis à sa cause, il se prend à rêver de Bercy. C’est un rêve qui se réalise pour lui, pour nous c’est juste un peu drôle et gênant en même temps. Mais le spectacle est émouvant. Une jeune fille brune de 20 ans vient aussi prendre la température. Mais elle à l’air plus sérieuse. Pour elle c’est peut être un échauffement avant le grand bain.
A. reprend “Where Is My Mind ?” des Pixies un classique. Échaudée par l’alcool, elle bouge de gauche à droite, et sa voix étouffée peine à traverser une salle peu accueillante. Mais pour nous, c’est la meilleure et ce soir elle n’a peur de rien.
Le Rasta est passé voir les “deux blondes” trois fois et il a reçu trois fins de non recevoir. Elles commencent à se fatiguer. Le défilé ne cesse manifestement pas. Puis le rasta a interprété une version House de Bob Marley ! (horrible) Les 12 graffeurs proposent une soirée “entre couilles” à M. Il transmet le message. …J’ai plus 16 ans. On décampe sur un petit air de queen.