Depuis plus de 20 ans, Rohff et Booba s’opposent dans le rap français, mais lorsqu’on regarde de plus près leurs textes, on retrouve des références étonnamment similaires. Que ce soit dans leurs morceaux solos ou leurs collaborations, ils s’inspirent des mêmes figures, issues du cinéma, du sport, de la criminalité et parfois même de la politique. Mais toutes ces références n’ont pas le même sens : certaines incarnent la force et la domination, d’autres servent à critiquer ou à se positionner face au système.
Des références communes : gangsters, boxeurs et figures de puissance
La culture du rap, et particulièrement celle des années 2000, est très marquée par l’égotrip et l’affirmation de soi par la force. C’est pourquoi on retrouve dans les textes de Booba et Rohff des noms comme Tony Montana, personnage emblématique de Scarface, Mike Tyson, incarnation de la brutalité et de la combativité, ou encore Suge Knight, producteur sulfureux du rap américain connu autant pour son influence que pour ses méthodes de gangster.
D’autres figures, comme Muammar Kadhafi ou Gérard Depardieu, apparaissent aussi dans leurs textes, non pas tant pour leur parcours politique ou artistique, mais pour ce qu’ils représentent : le pouvoir, l’excès et l’autorité. Kadhafi est souvent cité pour son image de dirigeant impitoyable, tandis que Depardieu, avec son charisme et sa stature imposante, s’intègre dans cet imaginaire de figures fortes et dominantes.
Le cas particulier des références politiques : Nicolas Sarkozy à part
Si de nombreux noms évoqués dans leurs textes sont liés à des figures de force et de domination, Nicolas Sarkozy occupe une place à part. Contrairement aux autres, il n’est pas une référence d’admiration, mais une figure d’opposition et de critique. Booba, en particulier, le cite souvent comme un symbole du pouvoir répressif, du « premier flic de France », et plus largement de la politique sécuritaire qui a marqué son mandat.
Là où les figures comme Kadhafi ou Suge Knight sont citées dans une logique de provocation ou de comparaison avec un pouvoir assumé, Sarkozy incarne l’ennemi du rap : l’autorité, le contrôle, la répression. Il représente l’État et le système contre lesquels les rappeurs ont souvent dû lutter. C’est pourquoi il est cité différemment des autres personnalités évoquées dans leurs morceaux.
Une évolution des références avec les nouvelles générations
Si Rohff et Booba partagent une culture commune marquée par le cinéma de gangsters, les figures de domination et la culture rap des années 90, les générations suivantes de rappeurs ont fait évoluer ces références.
Des artistes comme Demi Portion ou Benjamin Epps puisent davantage leur inspiration dans les mangas et la pop culture geek. Dragon Ball Z, One Piece et Star Wars remplacent peu à peu les figures du gangstérisme dans l’imaginaire collectif du rap. Même Booba, qui reste attaché à sa posture de domination, cite Maître Yoda, non pas tant par amour pour Star Wars, mais pour s’approprier son image de sage stratège, un maître incontesté.
De même, des artistes comme Freeze Corleone utilisent les références cinématographiques de manière plus calculée et conceptuelle. En nommant ses albums La Menace Fantôme et L’Attaque des Clones, il ne cherche pas seulement à rendre hommage à Star Wars, mais à construire un univers et une mythologie autour de son personnage.
Conclusion : des références qui évoluent avec le temps
En analysant les références citées par Rohff et Booba, on constate que malgré leurs oppositions, ils partagent un socle culturel commun, marqué par les mêmes influences cinématographiques, les mêmes figures de force et de domination, et les mêmes icônes du rap américain. Le rap de leur génération est façonné par l’ego, l’affrontement et la volonté de se positionner comme un leader.
Mais ces références évoluent avec le temps : les nouvelles générations de rappeurs puisent dans d’autres sources d’inspiration, plus ancrées dans la pop culture geek et les univers animés. Pourtant, le principe reste le même : dans le rap, les références servent avant tout à construire une image, que ce soit celle d’un dominateur, d’un rebelle ou d’un stratège.