Sibyl a un métier réfléchi. Psychologue libérale depuis plusieurs années, elle est une professionnelle et une femme autonome et accomplie. Mari parfait jusqu’à l’effacement. Enfants plus que parfaits. Entourage aimant. Pas de problèmes d’argent en vue.
Assez soudainement, elle veut quitter tout ça et se remettre à écrire. Peut-être parce-que sa vie fléchée l’ennuie. Peut-être parce-que que sa tête reste le passage obligé d’une routine. Et que cette routine la reconduit vers sa mère, ses 3 grammes d’alcool dans le sang, et la sortie de route qui l’ont fait disparaître et rendue muette à jamais.
Dans son cabinet, comme dans la vie, Sibyl sait écouter les autres et leur parler. Lorsqu’on la regarde vivre extraite de son justaucorps social, Sibyl est un de ces sushis qui défile sur tapis roulant au début du film tandis qu’un de ses amis éditeur lui parle à lui donner le tournis.
Film étrange que ce Sibyl de Justine Triet, où l’on s’éponge entre mensonges, fantasmes, perversion, exhibitionnisme et voyeurisme, mélanges prompts à vous égarer. Encore plus peut-être si juste auparavant, à la séance précédente, vous étiez en compagnie de John Wick Parabellum et ses scènes de combat où vous compreniez chaque réplique et chaque mimique. Avec Sibyl, on pourrait se dire que nous sommes en face du énième film français de bobo névrosé pour intellectuels bobos : ce film doit être vu avec son microscope, mieux, avec son scanner cérébral portatif en bon état de marche.
Regardons de plus près quelques protagonistes principaux :
Virginie Efira/ Sibyl est la première raison pour laquelle je suis allé voir ce film. Cela fait plusieurs années que cette actrice nous a fait comprendre que nous avons tout à gagner à nous la fader sur grand écran, elle et son visage de blonde assez fade. Il est assez pratique d’employer des formules toutes faites à propos de certaines actrices et acteurs telles que : « C’est le comédien le plus doué de sa génération ». Ou « Il peut tout jouer ! ». Hé bien, en voyant le film Sibyl – qui n’est pas un film d’épouvante- on peut se dire que Virginie Efira, également douée pour la comédie, pourrait jouer dans des films d’épouvante ou d’horreur. De cette épouvante bien sous tous rapports et à cheval entre la normalité et la folie. Son jeu dans Sibyl est très propre. Ma scène préférée est sans doute celle de « la pomme d’Amour et du Barbapapa ». Mais j’ai aussi beaucoup aimé une autre scène qui fait penser à une scène de licenciement.
Adèle Exarchopoulos/ Margot Vasilis. La Vie d’Adèle de Kechiche avait été un film presque fait sur mesure pour elle. Elle a tourné dans d’autres films depuis. Dans Sibyl, elle me convainc moyennement dans certaines scènes. Lorsqu’elle pleure par exemple. Pour la première fois, dans son rôle de Margot Vasilis, elle m’a fait penser à l’actrice Ludivine Sagnier plus jeune. Mais en un peu plus « perverse ». Pour le rôle.
Dans Sibyl, Margot/ Adèle est selon moi meilleure comédienne lorsqu’elle balade Sibyl que sur le tournage du film réalisé par Mika/ l’actrice Sandra Hüller et où elle est une jeune comédienne qui joue son avenir professionnel.
Gaspar Ulliel/ Igor a gardé un peu de sa « balafre » hannibalienne dans son rôle et ça colle bien. En en montrant moins que Margot Vasilis, son personnage dégage plus d’épaisseur.
Niels Schneider/ Gabriel (comme l’ange Gabriel ?) me plait davantage dans la dernière partie du film : dans la première partie, on le voit jouer ce par quoi il s’est fait connaître en particulier dans le cinéma de Xavier Dolan (l’ambiguïté, la sexualité).
Laure Calamy/la sœur de Sibyl, Paul Hamy/ le mari de Sibyl, Arthur Harari/ Dr Katz, Sandra Hüller/ Mika, la réalisatrice, complètent la liste des rôles principaux.
J’aime beaucoup le jeu de l’actrice Laure Calamy en général. Si j’aime la revoir ici, j’aimerais bien qu’elle sorte – un peu- de sa « panoplie » de femme névrosée.
Lors de la séance de John Wick Parabellum, j’avais arrêté de compter à partir de la 8ème scène de combat. En découvrant Sibyl, j’ai assez vite renoncé à savoir ce qui faisait partie des mensonges ou des fantasmes de Sibyl. Le film peut faire penser à l’univers de Catherine Breillat comme à celui d’Atom Egoyan pour cette relation fusionnelle et passionnelle entre les protagonistes. Pour cette façon de nous manipuler en nous laissant croire que nous captons tout alors que nous captons hak ! (rien, le néant ).
Ce film est peut-être un regard critique sur le milieu du cinéma et du spectacle au sens large.
Je n’ai peut-être pas suffisamment compris ce film pour en parler correctement. Mais j’ai compris que Sibyl est fatiguée de se mentir à elle-même et qu’elle répète souvent aux autres « Tu n’es pas seule » alors qu’elle est elle-même un comptoir de solitude. Cela me rappelle cette chanson de Björk : Army of Me. Il m’avait fallu plusieurs écoutes fois avant de finir par comprendre que Björk s’adressait sûrement à elle-même.
Que ce soit lors de ce tournage où Sibyl se rend malgré l’interdit (ou le tabou) déontologique rappelé par le Dr Katz ( tous ses garde-fous sont des hommes dans le film ):
« Ton rôle à toi, c’est de rester du côté du fantasme ».
Que ce soit lors de ses ébats supposés ou réels avec Gabriel, Sibyl lève une armée contre elle-même. Peut-être qu’il lui faut ça pour enfoncer la forteresse qu’elle a érigée entre sa vie et ce qu’elle est véritablement. Finalement, elle a peut-être plus de points communs qu’il n’y paraît avec John Wick. Sibyl sera peut-être dans le 4ème volet de John Wick. Virginie Efira en est capable.