Si le vent tombe

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  Un film de Nora Martirosyan ( dans les salles le 18 novembre 2020)

« L’armée aime la vitesse » dit un militaire à un jeune pompiste dans Si le vent tombe.

Cette phrase explique et immatricule peut-être la durée des guerres. Depuis des millénaires, chaque armée reste persuadée qu’elle va atteindre la première, à la vitesse de la lumière, et en solitaire, l’éther de la victoire.

Il faut huit heures de route, en taxi, au Français Alain Delage pour atteindre cet aéroport dont il est chargé d’évaluer la conformité. Il y a des parcours plus rapides. Alain, loin de chez lui, est ainsi convoyé dans une «  petite république autoproclamée du Caucase » peu connue où la guerre a servi tout en passant inaperçue :

Elle avait été éclipsée par la guerre en Yougoslavie.

Un comité d’accueil plutôt chaleureux attend Alain à l’aéroport. L’aéroport, ou la « cathédrale » en raison de sa réussite architecturale , est  achevé et ressemble à ces programmes immobiliers en attente d’être livrés.  Pour la plus grande partie de la population de ce petit pays, militaires inclus, cet aéroport permettrait de s’ éloigner de la guerre et du passé. De s’ouvrir au monde.

Alain Delage est interprété par l’acteur Grégoire Colin.  Etonnamment, même s’il a continué de tourner depuis, j’ai l’impression que Grégoire Colin faisait davantage parler de lui en tant qu’acteur, durant les années qui ont coïncidé avec le conflit « yougoslave ». En particulier dans les années 90. Dans Si le vent tombe, désormais plus âgé et aussi un peu plus « épais », Grégoire Colin fait physiquement penser à la fois à l’acteur Benoit Magimel d’aujourd’hui (son aîné d’un an) mais aussi à l’acteur américain…Keanu Reeves. Son aîné de 11 ans.

Mais la réalisatrice Nora Martirosyan est originaire de l’Arménie où elle a vécu jusqu’à ses 23 ans.  Et son film Si le vent tombe est bien entendu plus proche de la réalité géopolitique de l’Arménie, de la Turquie et de la Russie que de la série de films John Wick. Série qui vaut à l’acteur Keanu Reeves de revenir au premier plan cinématographique depuis 2014 après son triple « pontage » médiatique réalisé avec Matrix dans les années 2000.

Rappelons que l’Arménie actuelle a obtenu son indépendance officielle en 1991 et qu’elle dispose aujourd’hui du dixième du territoire de l’Arménie historique ( d’après Wikipédia).

On ne sait rien et on n’apprendra rien de la vie personnelle d’Alain Delage. Homme pragmatique, missionné pour effectuer un audit, son seul rapport avec le monde extérieur se fera au travers de sa boite. Boite qu’il contacte au travers de cette autre boite qu’est son téléphone portable. De son côté, comme nous, Alain Delage ne sait rien de ce pays. Et ses habitants semblent vivre dans un autre temps que le nôtre, en France. La logique d’un Alain Delage, aussi précise qu’une montre suisse, se confronte à une vie un peu plouc. Un peu infantile et un peu superstitieuse aussi. Mais c’est une vie néanmoins bien courante. Tandis que “le” Alain Delage, lui, inspire assez peu de passion. Tel le fonctionnaire ou l’administratif lambda qui dépend de ses supérieurs et ses « process » d’entreprise.

Le film de Nora Martirosyan sent parfois la peinture fraîche. On flaire la jeune cinéaste encore en friche. Dans certaines scènes mais aussi pour le choix et le jeu de certains acteurs. Cependant, à la fin de Si le vent tombe, comme Alain Delage, nos certitudes et notre ignorance d’homme occidental sont débusquées. La sagesse de ce pays que l’on va quitter- et que l’on a pu penser arriéré- nous tombe dessus. Comme un couperet.

On perçoit aussi, un peu, de la fougue et de la folie passées des réalisateurs Emir Kusturica et Fatih Akin. Alors, comme Nora Martirosyan et plusieurs de ses personnages, on y croit !

 A gauche, Edgar ( l’acteur Hayk Bakhryan) avec Armen (l’acteur Vartan Petrossian)

Si le vent tombe devait sortir initialement dans les salles le 18 novembre 2020. Du fait de la pandémie du coronavirus, il est finalement sorti ce 26 Mai 2021.  Ce film fait partie de la sélection officielle Cannes 2020 et de la sélection Acid Cannes 2020. 

Le Français, le Karabatsi, l’Arménien, l’Anglais et le Russe sont les langues principalement parlées dans le film.

Acteurs principaux : 

Alain Delage : Grégoire Colin

Edgar : Hayk Bakhryan

Seirane : Arman Navasardyan

Armen : Vartan Petrossian

Kariné : Narine Grigoryan

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