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Kongo : Délire antioxydant

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C.E.O HELL SINKY, author, journalist, documentary

Le 14 mars dernier, après avoir croisé une manifestation « des » gilets jaunes ( https://urbantrackz.fr/kronik/gilets-jaunes-samedi-14-mars-2020-aux-grands-hommes-la-patrie-reconnaissante/), j’étais allé voir le film Kongo dans la seule salle qui le projetait à Paris et peut-être en France. La petite salle de cinéma près du jardin du Luxembourg était pleine. Nous n’étions pas encore confinés. La « saison » du confinement allait s’ouvrir quelques jours plus tard. Et elle est encore en cours. Prendre le temps aujourd’hui, presqu’un mois plus tard, d’écrire sur ce film aura peut-être une résonance particulière dans notre contexte d’épidémie du coronavirus Covid-19.

Au début de Kongo, l’apôtre Médard, la cinquantaine, est assis. Il regarde la foule qui s’anime devant lui. Son strabisme et son statut de guérisseur, après en avoir obtenu la licence, lui font peut-être voir ce que peu voient lorsqu’il commente :

« C’est tout de même étrange, le Congo…. ». Puis, il évoque les difficultés quotidiennes, pour la majorité des Congolais, à trouver de quoi s’en sortir. Et, il ajoute :

« En plus, les sorciers sont là pour nous bloquer ».

Tout le long du film, on restera la majeure partie du temps avec l’apôtre Médard et ses disciples. L’apôtre Médard et ses consultations. Cela commencera par une séance d’exorcisme d’un jeune en présence de sa famille. A l’issue de la séance, le jeune affirmera qu’il va mieux. L’apôtre Médard dira aux parents :

« La prochaine fois, n’attendez pas avant de venir me voir ». 

Lorsque des membres de la famille du jeune demanderont à l’apôtre Médard de leur révéler l’identité de celui qui avait jeté un mauvais sort, « pour l’avertir », celui-ci répondra que ce n’est pas dans sa déontologie de donner ce genre d’informations. L’apôtre Médard peut alors passer pour un guérisseur attaché au secret professionnel ou pour un charlatan avisé.

Plus tard, un homme dont la jambe est douloureuse viendra le voir. L’apôtre Médard mordra la jambe de l’homme jusqu’au sang puis recrachera le sang qu’il examinera avant d’expliquer : 

«  Tu vois, on t’avait tiré dessus ». 

Un peu plus tôt, on aura vu une de ses anciennes disciples retourner le voir après que ses deux fils se soient faits tuer d’un éclair dans la maison. Le père et époux sera le suspect numéro un et on assistera à un procès rituel. L’apôtre Médard sera convoqué comme témoin mais aussi comme accusé par le père et époux qui le considérera comme  responsable de tout. 

Délire mystique collectif ? Peut-être. Mais le versant du monde que Kongo nous montre peut rappeler ce texte L’enfant du pays de Dany Laferrière  mis en musique par Arthur H et Nicolas Repac dans l’album L’Or Noir où il est question de Legba («  Le Dieu qui se tient à la frontière entre le monde visible et invisible ») et que le sextant d’un esprit uniquement habité par Descartes et l’Occident ne saura ni situer ni évaluer à sa juste mesure préférant seulement y voir l’attribut d’un peuple d’arriérés.

Car c’est bien à notre Culture d’occidentaux  et à ses limites que Kongo nous confronte. Si le délire collectif au Congo nous saute aux yeux, le délire collectif qui siège en Occident peut aussi sauter  aux yeux des Congolais comme à d’autres Cultures du monde.

Parce-que par delà le délire collectif qui semble d’abord s’exposer sous nos yeux d’occidentaux serpentent ensuite quelques percées qui nous font voir que celles et ceux qui passent pour fous dans Kongo sont loin d’être aveugles :

«  Nos ancêtres sont nos vrais Dieux ». « (…) Car les Chinois détruisent notre royaume. Depuis que les travaux ont commencé, les sirènes sont menacées». 

« Dans le monde visible, les sorciers sont souvent des personnes d’apparence respectable ». « Aujourd’hui, les jeunes ont tendance à oublier». 

Si l’on retrouve dans Kongo l’opposition manichéenne entre la culture traditionnelle estropiée, idéalisée ou disparue et la culture occidentale blanche du colon historique,  l’emprise de plus en plus arachnéenne de la Chine en Afrique y est aussi montrée tandis qu’une élite africaine, plutôt invisible dans le film,  contribue encore, d’une façon ou d’une autre, comme magnétisée, à cette « évolution ». Et,  à la fin du film, plutôt que ridicule dans ses vêtements rituels de guérisseur, l’apôtre Médard apparaît comme un des derniers résistants sur cet immense chantier de l’Afrique dont les Congolais, mais aussi bien des Africains dans d’autres pays, semblent les premiers absents. Comme si leurs corps vivaient en étant habités par d’autres. 

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