Lorsque Maska commence ses sessions de freestyles avec la Sexion d’Assaut dans le Nord de Paris devant un Daymolition naissant, l’engouement autour du groupe annonce déjà “L’Apogée” arrivée quelques années plus tard avec un disque de diamant. Aujourd’hui tout le monde attend “Le Retour des Rois“.
Quelque part, la Sexion a réussi à faire en France ce que le R’n’B n’a jamais pu réaliser. Réunir tous les publics autour d’un Rap plus doux et plus consensuel. La Sexion d’Assaut est à l’origine de la Pop Urbaine. Au sein de ce collectif, Maska est le “vrai” rappeur, l’artiste qui a une image un peu “sombre“. 2 ans ont passé depuis la sortie de son dernier projet en solo “Préliminaires Vol 2“. Pourquoi a t-il autant attendu pour refaire surface dans un rap en pleine ébullition ?
Les débuts de @maskaleblanc9 à la @sexiondassaut pic.twitter.com/zHf9RSgCfL
— ZE Z’ XXI (@ze_xxi) February 10, 2021
La réponse apportée par Maska est celle d’un homme éclairé, sincère, qui refuse de jouer un rôle même devant les médias : “Pour trouver son identité artistique quand on sort d’un groupe ce n’est pas forcément évident. Moi je m’étais forcé à rester dans un cadre dans Sexion D’Assaut pour être facilement identifiable comme le mec qui a va écrire sur des prods un peu sombres.” Oui il lui a fallu 2 ans pour se forger une véritable identité artistique. Car l’EP “Étoile de Jour” dont la sortie est prévue pour le 12 février est peut être le projet de Maska qui lui ressemble le plus. C’est le premier opus pour lequel le rappeur sent “un vrai accomplissement personnel et artistique“. Et dans son entourage on le ressent : “Ce ne sont pas des gens qui sont là pour me séduire” et là “ils comprennent la direction artistique de mon projet et la valident fort”.
S’est-il pour autant débarrassé de l’image du rappeur de la Sexion d’Assaut ? Selon le principal intéressé, même s’il s’est désormais accompli, c’est une étiquette qu’il portera “toute sa vie” marqué au fer blanc par l’un des plus gros succès que l’histoire du rap ait connu. Pour le reste même si le projet reflète les nouvelles influences de Maska, il considère “le Rap” comme “un style de chant“. Dans des concepts originaux “Mask-Cam” qui précèdent la sortie de l’opus, il rend hommage en un sens à son pedigree artistique dans des freestyles anthologiques : “Cette étiquette, j’essaie de m’en détacher mais je ne la renie pas car elle fait partie de mon identité“.
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Oui il a peut être trouvé sa direction artistique. Car dans tout l’EP, à travers le verbe tranchant d’un lyricist qui écrit les paroles de beaucoup de monde, on trouve également beaucoup de sensibilité. Selon, cette écriture alliée à la mélodie de Nino Vella lui permet d’exprimer toute sa sensibilité. D’ailleurs, c’est “la même sensibilité” qui s’exprimait lorsqu’il déchaînait son flow à sa jeunesse.
Nino Vella c’est l’homme de la mélodie. Le beatmaker a composé tous les titres de l’EP du rappeur. Selon Maska, c’est cette rencontre qui a fini par déboucher sur “sa maturité artistique“. Avant Nino Vella, Maska avait réalisé une cinquantaine de titres. Il était satisfait mais ne s’était pas encore trouvé. Le beatmaker, et le rappeur entretiennent une relation d’écoute et de partage. Il y a une vraie symbiose entre eux.
A contre courant total du rap pur et dur, Maska ne joue pas au Thug sur “Étoile de Jour“. Il y a très peu d’égotrip, juste des punchlines efficaces et quelques fois cruelles de vérité. Le rappeur explique “que la musique est beaucoup plus forte quand on est vraiment authentique” et surtout que “le mensonge est toujours superficielle“. Il finit par avouer que “raconter ma vie d’il y a 15 au quartier” ça ne l’intéresse pas. Oui la musique est aussi le reflet d’un artiste, et donc d’une existence et d’une condition. Et l’artiste évolue au fil du temps.
Dans le premier extrait de “Étoile de Jour“, le clip “Voie Lactée” en featuring avec l’éternel Lefa avec lequel le rappeur a déjà collaboré sur “Bang Bang“, et Lord Esperanza, le rappeur dissèque la condition d’un artiste. Les trois hommes comparent l’artiste à un astre tellement entouré mais en même temps tellement seul. C’est quoi le pire et le meilleur de la vie d’artiste ?
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Pour Maska, il ne remercie jamais assez la Providence pour avoir fait de lui un musicien. Le métier d’artiste est “le plus beau du monde métier” selon le principal intéressé. Et le pire dans tout ça c’est la perdition. Selon ses propos, quelques fois l’artiste est perdu entre l’image qu’il renvoie notamment sur les réseaux sociaux et sa véritable identité : “Tu passes ton temps à essayer de plaire à des gens que tu ne connais pas !”
Comme beaucoup d’artistes l’ont crié quelques fois en morceaux, la musique t’éloigne des gens que t’aimes. Justement tous ces clashs, ces affrontements, ces incidents qui jalonnent l’histoire du rap et ,qui, quelques fois ont des conséquences désastreuses ne résultent-ils pas d’une confusion de l’identité de l’artiste avec son rôle de rappeur ?
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Mais finalement après cette carrière, du Nord de Paris jusqu’à ses plus grosses réussites, qu’est ce qui est le plus difficile : la Rue ou la Vie d’Artiste ? “La vie de voyou c’est pas à faire“. Mais avec “La Sexion on a connu la rue mais on s’est éloigné de la vie de voyou assez rapidement“. Oui “La vie de voyou c’est un idéal pour personne, sauf ceux qui ne la connaissent pas et fantasment dessus“.
L’EP de Maska est truffé de featuring avec Lefa, Lord Esperanza, ou encore Spri Noir et TayC. Concernant TayC les deux hommes sont “dans des univers artistiques très différents“. Et Maska a adoré le ramener sur son terrain. C’est un échange, et un véritable exercice de style. Ils ont réalisé le titre “Jamaimer” ensemble. Un titre fort qui donne une vision affranchie de tous stéréotypes d’une relation amoureuse. Dans le titre, il évoque aussi la relation avec son père et l’amitié. C’est un titre sur les liens entre les humains. Pour S.pri Noir, il aime particulièrement sa recherche frénétique “du fond et de la forme“, comme Maska il a le verbe et le sens de la mélodie.
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Retour sur le titre “S’aimer seul” avec S.Pri Noir, c’est l’un des troncs de l’album. Le rappeur débite des vérités, des punchlines quelques fois très cruelles sur l’amour le tout sur quelques notes présentées comme une comptine par Nino Vella. Le contraste digne d’un clar obscuro de peintre espagnole de la Renaissance est saisissant.
Il explique que le titre est le fruit d’une longue réflexion avec son compositeur. Dans ce morceau, il ne voulait pas être dans le ressentiment et la haine. Le titre composé par Nino Vella est calibré sur cet esprit qu’a voulu imposé le rappeur. Comme dans tout son album, il y a une adéquation parfaite entre le fond et la forme.
“C’est beaucoup plus dur de faire des chansons profondes positives que des chansons profondes négatives, on a toujours beaucoup plus de choses à dire dans le côté un peu plus sombre“. Oui le rappeur consacre trois chansons à l’amour. Des titres positifs mais à la fois très dur. De par son expérience personnelle, le rappeur a “une vision altérée de l’amour” cependant il croit en l’amour. Selon lui, beaucoup de problèmes dans le monde sont dus à “un manque d’amour“. Le rappeur ne plonge pas dans la facilité.
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Avec ses trois titres “Jamaimer”, “S’aimer Seul“, et “Toutes Les“, il donne une vision de l’amour lucide mais généreuse. Pourquoi le rappeur ne s’est pas contenté de faire une déclaration d’amour sur un beat latino ? Parce qu’il déteste traîner dans sa zone de confort. L’un de ses amis d’enfance le lui a dit “c’est un leader passif“. Il n’a pas peur de sortir des sentiers battus. Il n’a pas peur “d’aller là où on ne l’attend pas“.
Et selon lui, il faut du courage pour défendre “sa bienveillance et sa gentillesse” dans le rap. Aujourd’hui Maska assume sa sensibilité. Il a toujours été sensible. Plus jeune, il l’exprimait sans doute mal“.
Le featuring de ses rêves ? La question la plus traditionnelle qu’on pose à tous les artistes en Interview… Maska toujours original ne fait pas dans la facilité. Ce ne sera ni Tupac ni Notorious BIG, l’artiste rêve de faire un featuring avec le canadien Roy Woods signé sur le label de Drake. Oui il a une véritable identité artistique comme Maska.
Maska a pris beaucoup d’envergure depuis ses débuts. Dans le refrain du titre “Sans Fin“, il s’exclame : “La police ne nous embête plus mais je peux toujours pas les kiffer“. Il a écrit ce titre il y a plus d”un an et demi. Dans “Étoile De Jour” deuxième du nom (eh oui), dans le morceau “J’attends l’été“, Maska revient sur le sujet des violences policières. Son principal argument est que “Les violences policières ont toujours existé“, et les “quartiers en ont toujours eu connaissance“, donc selon lui “La France découvre les violences policières” avec le mouvement #BlackLivesMatter.
A la fin de l’interview, on le titille sur “Le Retour des Rois”, pour la première fois depuis le début il pratique une langue de bois digne d’un politique.