Sauveur Eloheem, rappeur Parisien prolifique et à l’univers original, a dernièrement sorti trois clips en moins d’un mois. Il nous offre ainsi l’occasion de plonger dans son univers et de mieux le découvrir.
Le premier est le visuel de son titre “Classe S”, extrait de sa “Dead Tape” parue en 2017. Comme le titre du morceau l’indique, il est question de grosses cylindrées, mais pas que…
Dans ce clip, réalisé par Bertiden et tourné dans l’obscurité (qui n’est toutefois pas totale), Sauveur, est passager immobile d’une décapotable allemande, et nous entraîne dans la description d’une ride vengeresse, terrorisante, gangstérisante, très 666 dans la forme, où il est question de meurtre, de substances diverses et variées et de stratégies vengeresses : « mieux vaut vivre par les armes que d’crever par la servitude »…« Pouffiasse, la mort est la seule certitude ». Derrière le mec dosé qui veut buter tout le monde, il se pourrait qu’on parle en fait de rupture, du mal qui ronge, de noirceur, mais, comme le pire n’est jamais certain, avec une dose de lumière (cf la lumière du tournage) …
Ce titre résume bien qui est Sauveur Eloheem : un mec à fleur de peau, un optimiste en fait, sensiblement nihiliste parfois, mais plus sans doute par peur que le meilleur tant espéré ne survienne pas que par noirceur de l’âme… et c’est ce qui le rend attachant.
Le second est la version clippée de son titre plein d’espoir “J’suis d’bonne humeur”, extrait de son album “Chill” sorti il y a quelques mois… Le clip est lumineux, positif, entrainant et décalé…
Chill est le vrai nouveau projet de Sauveur, écrit après sa sortie de cure. Album de la rédemption en quelque sorte, il exhale la lumière, le positif et a le parfum de l’espoir. Dans ce clip, toujours réalisé par Bertiden, on y voit Sauveur déambuler dans une maison de style normande début 20ème, boire du jus de fruit, chiller au bord de la piscine, le tout dans une lumière estivale débordante. Sauveur s’émerveille de la beauté de la vie, se projette, s’envisage : « 35 jours de sobriété, j’veux voyager et sortir l’été, j’crois qu’au final le monde est beau, la vie est belle, j’ai plus envie de rejoindre mes défunts au ciel… ». On sent l’apaisement et la libération, le recul, la maturité qui surgit et… l’humilité – il en faut pour avouer ainsi ses dérives existentielles et exposer, dans un rap jeu qui valorise tant le négatif, une vision lumineuse, et libérée, de la vie. Ce clip c’est comme une bouffée d’oxygène pour les noyés du quotidien que nous sommes, il est à consommer sans modération !
Le troisième clip, quant à lui, est une sorte de court-métrage rappelant certains films d’horreur de type slasher. Il s’agit du visuel du titre de Sauveur “Triple 6 Catharsis” paru il y a environ 6 mois, soit juste avant qu’Eloheem n’arrête sa consommation d’alcool et ne change de discours dans ses textes vis à vis de celle-ci…
Produit par Bertiden, très esthétique (le choix de réaliser en noir et blanc n’y est sans doute pas étranger), on plonge dès le début dans une atmosphère de film d’horreur (soft), où Sauveur est poursuivit par un homme portant un masque de tête de mort, et qui fini par le sacrifier avec une dague. « J’croyais que tu m’aimerais pour la vie, que dans l’pire des cas on resterait ami, mais bon t’es partie, et c’est légitime, je ne fais que nuire et m’autodétruire… ». La rupture encore une fois, mais admise, comprise, justifiée. Difficile, surtout après coup, de ne pas voir dans cette course poursuite l’expression de la dualité de Sauveur à ce moment de sa vie, de sa lutte contre ses démons, qui finissent par le terrasser « y’a que Lilith qui m’aime …
Formidablement réalisé, servit par une prod cold plus qu’efficace, et un texte taillé au scalpel ce clip est une vraie réussite.
On le voit à travers ces 3 extraits, Sauveur Eloheem est un rappeur/auteur complet et complexe, affirmant sans fard ses dualités et ses faiblesses, mais aussi ses joies et ses espoirs, le tout avec une technique irréprochable et un « flow signature » tellement particulier. Même dans ses textes les plus noirs, dans ses descriptions les plus sombres, il laisse toujours pénétrer un rai de lumière, les mots et les images choisis exprimant dans tous ses projets, une sensibilité exacerbé, qui est souvent la marque de fabrique des grands artistes.