Yvick Letexier aka Mister V, jeune artiste originaire de Grenoble, véritable « clé à molette » (à la fois YouTubeur, acteur et rappeur) s’est fait connaître d’un large public grâce à ses vidéos humoristiques sur Internet (avec les Norman et consorts il fait partie de cette première génération d’humoristes Youtubeur qui s’est fait connaître auprès d’un jeune public avide de nouveaux formats). Dans ses vidéos Mister V aime à parodier, gentiment (comme un fan), le milieu et les grandes figures du rap hexagonale. En 2017 il fait sensation en sortant un premier album rap, Double V, sortie couronnée de succès, puisque l’album a été certifié disque de platine. Ce premier projet, avec un positionnement résolument décalé par rapport au french rap game, avait donc rencontré un large succès et fait l’unanimité auprès des différents commentateurs. Autant dire qu’un deuxième opus était vivement attendu.
Il y a quelque jours, Mister V récidivait en sortant MVP, son 2 ème album. MVP un titre qui pose les ambitions puisque dans la NBA cet acronyme désigne le “Most Valuable Player”…
Cette nouvelle parution est l’occasion de vérifier si le jeune rappeur a su éviter le tristement célèbre écueil du 2ème album (de temps immémoriaux fatal à de nombreux groupes). Comme l’artiste le dit lui-même, se sentant plus légitime du fait du succès de Double V, il a vraiment voulu faire un disque de rap, plus mature, plus sérieux. Le succès du premier album lui a également permis d’accéder à des featuring prestigieux tels que PLK, Jul ou Dosseh pour cette réalisation. D’autre part ce projet a vivement été encouragé par Damso qui avait lancé une demande de prods pour Yvick sur les réseaux sociaux. Suite à cet appel le jeune rappeur avait reçu plus de 16 000 prods !!!! Tous les indicateurs sont au vert donc.
Première écoute… Effectivement, on est sur un album de rap. Réécoute et réécoute… Plus typé… Sincère, on le sent, ça ne fait aucun doute. Les prods sont propres… attendues, convenues…(?), sans trop d’originalité en tous cas… Les thèmes, les textes également sont plus « marqués », plus « thugs » (notamment, bien-sûr, le feat avec Dosseh) mais finalement peut-être trop attendus ?… Tous les ingrédients sont réunis, et pourtant… C’est agréable à écouter, sincère, bien fait, mais ça fonctionne moyennement… Est-ce que ce qu’on attendait de Mister V c’était qu’il pose avec sérieux des textes où il est question de charbonner, de tiek, etc… Je ne suis pas sûr… C’est un peu comme une baguette sans sel en fait, ça ressemble à du pain, c’est du pain même, ça a un goût de pain mais pas tout à fait… Une fois encore, il n’est pas question de remettre en cause la sincérité de la démarche, on sent nettement la volonté de bien faire, le désir de faire « sérieux » (trop?), mais force est de reconnaître que le résultat n’est pas forcément à la hauteur de nos attentes (grandes il est vrai). Double V avait eu la vertu d’apporter un ton, une vision un peu décalée par rapport aux publications du rap jeu et c’est cette magie positive, cette bouffée d’oxygène, qu’on ne retrouve pas forcément dans ce nouvel opus, sans que toute fois, et très clairement, ça puisse être rédhibitoire. On a un album de rap, bien fait, conforme au mainstream des sorties actuelles, standard, formaté un peu, sans trop de prise de risques.
Par contre cette parution quelque peu en demi-teinte, ce changement d’orientation de discours, est l’occasion de se poser la question (salutaire pour tous les nouveaux prétendants dans le game) de la place de l’autofiction dans le rap, de jusqu’où le public nous autorisera à lâcher des lyrics qui ne représentent pas forcément ce qu’on vit, nos origines sociales, etc… même s’il est difficile d’affirmer que c’est précisément ce seul point qui pèche ?
Les chiffres de ventes en première semaine ne sont pas encore connus, et, bien que l’accueil sur les réseaux soit plus nuancé que pour le premier album, il ne fait aucun doute, que jouissant d’une bonne fan base, cet album (qui, encore une fois, ne démérite pas) rencontrera une large audience malgré tout. Après tout, personne ne reproche à Jason Statham de ne pas buter 10 mecs tous les matins au petit dej dans sa vraie vie…