X.irda n’est pas un simple producteur : il est architecte de sensations. À l’heure des formats calibrés, il choisit l’écart, la lenteur, la densité. Son univers sonore, aux confins de l’électronique, du dark ambient et de la pop déconstruite, ne se consomme pas : il s’habite. Il ne compose pas des morceaux. Il érige des atmosphères. Des refuges mentaux. Des paysages intérieurs.
Face à lui, ReMark est tout aussi indéfinissable. Sa voix se situe quelque part entre le rock alternatif, le spoken word et l’élan punk. Il ne rappe pas. Il ne chante pas vraiment. Il dit. Il scande. Il livre. Chaque texte est un éclat brut, une fracture poétique. Il porte la rage douce d’une génération lucide, résiliente, en mouvement permanent malgré ses doutes.
Après “Fireman” et “Disguise”, leur troisième collaboration, “Distance”, vient consacrer une alchimie rare. Pas un duo figé, mais une collision créative. Une symbiose instinctive, affranchie des normes. X.irda et ReMark ne s’adaptent pas à l’époque : ils en dessinent une nouvelle grammaire. Celle d’une génération que l’on disait perdue, mais qui choisit de réécrire ses propres lois.
“Distance” n’est pas un single. C’est une expérience.
Dès les premières secondes, X.irda installe une tension silencieuse, presque respiratoire. Les nappes électroniques, les basses souterraines et les textures superposées forment un halo sonore oppressant mais précis. Rien ne détonne. Tout implose. À l’intérieur. Sa production agit comme une métaphore d’un monde saturé, déréglé, où l’errance devient mode de survie.

ReMark trace alors sa voix comme on trace un sillage dans un brouillard dense. Son timbre, à la fois blessé et déterminé, épouse l’espace avec pudeur. Il ne joue pas un rôle : il livre un état d’âme. L’un des vers les plus percutants en condense l’essence :
“She tryna have strings attached to me but I can’t go.”
(Elle veut m’avoir en laisse, mais j’peux pas, j’me tire.)
Tout est là : le rejet des attaches forcées, des rapports de pouvoir, des dépendances affectives. Fuir non pas pour disparaître, mais pour se préserver. L’indépendance comme nécessité vitale, intime, organique.
Un clip entre vertige et flottement
Réalisé en images de synthèse, le clip de “Distance” ne se contente pas d’accompagner le morceau : il en est l’extension visuelle. On y traverse un monde suspendu, abstrait, presque onirique. Une ville sans nom, un espace flottant saturé de symboles numériques. Chaque image prolonge la vibration du son, dans un ballet silencieux entre lumière et matière.
Un morceau hors format
“Distance” ne cherche ni le buzz, ni la playlist facile. Il s’inscrit dans une tradition d’œuvres hybrides et ambitieuses. On pense à SCH dans “JVLIVS”, à la densité existentielle d’un Damso dans “BĒYAH”, ou encore aux compositions totales de Sevdaliza ou Travis Scott, où musique, image et discours s’unissent dans un même geste artistique.
“Distance” est un morceau qui ne veut pas briller, mais marquer. C’est une alarme douce. Un appel d’air. Un murmure brûlant dans le vacarme. Une échappée qui, au fond, en dit beaucoup plus que mille cris.