Avec JVLIVS, SCH atteint l’apogée d’un style qu’il perfectionne depuis ses débuts. Dès les premiers visuels promotionnels de la mixtape A7, le S posait les bases d’un univers narratif puissant, emprunté à des œuvres comme Gomorra ou Champs-Élysées. Son identité artistique, profondément sombre et « nwar », se dessine dans chacun de ses clips, tels des cicatrices gravées dans la mémoire. JVLIVS, en ce sens, marque l’apothéose de la genèse d’un artiste qui a su redéfinir les codes du rap français.
La semaine prochaine, le dernier chapitre de cette saga légendaire, intitulé JVLIVS : Ad Finem, verra le jour. Depuis la sortie de cette œuvre monumentale, SCH a enchaîné les projets, alternant albums studios et nouveaux volets, jusqu’à ce grand final tant attendu. Le premier extrait, Stigmates, dévoilé il y a un mois, ouvrait déjà la voie à une introspection poignante. Aujourd’hui, le S nous plonge encore plus profondément dans son univers avec La Pluie, une ode à la solitude et à la mélancolie.
SCH chante sous La Pluie !
Depuis les années 60, la France a toujours cultivé un rapport singulier à la musique. Si le rock n’a jamais été pleinement assimilé, la « chanson française », elle, a prospéré, privilégiant des textes aussi riches que les mélodies. Dans NGRTD, Youssoupha déclarait fièrement : « C’est nous la chanson française. » Aujourd’hui, la « musique urbaine » (bien que cette appellation fasse débat) domine les écoutes en France depuis 2019. De nombreux rappeurs, autrefois cantonnés à leurs flows incisifs, explorent désormais des terrains plus mélodiques, à l’instar de Booba ou Ninho.
Pourtant, avec son univers sombre et ses punchlines acérées, le S semblait à mille lieues de cette évolution. Mais dans La Pluie, il chante, seul face à ses démons, livrant une performance à la fois vulnérable et visionnaire. Ce morceau semble être une prémonition du drame qui pourrait clôturer JVLIVS : Ad Finem.
Une composition envoûtante
La puissance émotionnelle de La Pluie repose aussi sur une composition raffinée, signée Amakuno, Seezy et Manu Manu. Seezy, célèbre pour ses collaborations avec Vald, est également le compositeur de Stigmates, le premier extrait du projet. Les arrangements subtils — quelques notes de piano, un violoncelle discret et des instruments classiques — créent une atmosphère unique, inscrivant ce titre comme une pièce maîtresse dans la discographie de SCH.
Des punchlines poétiques et poignantes
Dans ce morceau, les punchlines cèdent la place à une poésie brute, empreinte de mélancolie :
« Ce soir, le phare n’appelle plus le large, ce soir, la paix n’a même plus de larmes. »
Toutefois, l’ombre persiste :
« Les pieds-de-biche entre l’entretoise et la porte, une lame de rasoir contre l’aorte. »
« Quelques aigreurs dans l’œsophage, le produit transpire dans le cellophane. »
La trahison et le regret s’invitent également dans les paroles :
« Des gens m’ont trahi puis sont revenus, j’crois qu’ils sont nés bien avant la honte. »
« Ma mère pleure des souvenirs qui ne sont plus que des souvenirs / Ma rage pleure, j’m’en sors, donc elle pense à son avenir. »
Un visuel épuré et symbolique
Sur le plan visuel, Stigmates montrait SCH errant dans un manoir vide. Avec La Pluie, il chante seul dans une église désertée, sa voix résonnant dans cet antre vidé de toute présence humaine. Cette sobriété, réalisée par Stéphane Bohée, intensifie l’émotion du titre. Bohée, que l’on retrouve derrière le clip Reste de Gims en featuring avec Sting, apporte ici une profondeur visuelle saisissante.