Home Hellsinky TRACK 4: Café Allongé

TRACK 4: Café Allongé

0

« J’ai fait mon sac sans un regard et j’ai déserté, à ce qu’il paraît une femme peut perdre sa fierté par amour, et bien un homme peut perdre son amour par fierté,

Et oui mon gars moi je suis parti comme un homme, j’ai pris le tram, puis le trom, puis j’ai pleuré comme un môme »

Abdallah

« Quand tu reviendras ce soir, je ne serais plus là »

« Oui oui c’est ça » répond -elle. Elle tire son sac Chanel de la pile de vêtement qui s’entrelace sur le triste canapé-lit et s’en va sans se retourner. Je suis désormais en mode « mission ». Je n’ai qu’un seul objectif dans le crane : me barrer. Je ne crains ni la honte ni les conséquences. Je suis complètement hystérique à ce moment, l’émancipation du célibat ou le changement sans doute.

Pourtant on devait se marier. Lorsqu’on est emporté par la force des évènements, le souvenir n’est pas de mise, l’empathie est proscrite. Plus fort que l’amour ou l’amitié réunies, une force me pousser à m’écarter de ce chemin écarlate que l’on a tracé tous les deux. Depuis notre rencontre à la GP, jusqu’à ce matin où j’ai osé te répondre, notre histoire n’a jamais vraiment existé.

Ni les promesses, ni l’engagement devant le Maire ou devant un Dieu auquel nous ne croyions pas ne pouvaient empêcher cette lente agonie, cette chute permanente. C’était une mort lente. Une douce mort mais une mort quand même.

Oui j’ai rencontre Amélie à la GP. Elle est arrivée secrétaire à la fin de l’aventure là-bas. Tous les employés en voulaient à JR qui ne les payait plus. Mais il s’est battu comme un lion pour sauver ce qu’il restait. Après l’erreur de Thierry, plus personne ne voulait mettre un centime dans la boite. JR faisait le tour des investisseurs et revenait battu. Une fois surplace il se battait avec ses employés.  Le « Pôle Emploi » l’a même convoqué pour avoir des explications pour l’un de ses employés. Imaginez, la conseillère a vu débarquer JR et Colin, elle s’est dit qu’elle avait à faire à un gang. Et elle s’est comportée comme telle. Voilà que l’animateur radio, le journaliste, le chef d’entreprise était renvoyé à la condition qu’il avait fui toute sa vie. Pour ma part, j’étais assez motivé pour sauver les meubles. Quelques fois, il me glissait 100 ou 200 e mais le problème n’était pas là. Thierry lui aussi faisait de son mieux. On savait déjà qu’on avait coulé mais pour la première fois depuis nos débuts on était comme deux matelots qui tentent de sauver un Titanic des glaces.. une véritable entreprise en somme.

Pendant deux mois, JR s’est battu, et Colin s’est confondu en promesses non tenues comme un mec qui largue une meuf et finalement le résultat a été le même, au 60 -ème jour le bureau était désespérément vide.  Amélie est resté les trois derniers mois puis elle s’est éclipsée  comme les autres.

Je fais mon sac un peu comme j’ai toujours fait. Je ne plie rien, je mets les vêtements les uns sur les autres, et j’essaie d’en foutre le plus possible. Après près de 40 minutes, je décide de lui laisser la plupart des achats communs. De toute façon je n’avais pas une tune donc je ne vais pas découper un dixième du mac, ou prendre une moitié de machine à café. Et je pars. Je prends la rue d’Alésia, puis l’avenue du Général Leclerc. Ce passage du XIV ème bourgeois autour d’Alésia au XIV ème populaire autour de la Porte d’Orléans, je l’ai tellement fait.

Dans un sens ou dans l’autre, je suis le spécialiste des retours surprises dans la maison parentale où m’attendent un Padre complètement anesthésié par des années d’incompréhension et une Madre totalement étouffante. C’est l’âge des extrêmes dans un 2 pièces, et ma chambre ressemble au bunker numérique d’un type qui cherche un travail. Avec la bonhomie qu’on lui connaît, mon père me demande ce qu’il s’est passé. Avec le je m’en foutisme qu’on me connaît je lui réponds qu’on en parlera plus tard. Finalement il s’en fiche et retourne lire un bouquin.

Il y a un truc délirant avec mon père et je n’ai jamais vraiment compris si c’était intentionnel. Mais le titre et le thème des bouquins qu’il lit quotidiennement reflète son humeur du moment. Il ne voyage pas beaucoup mais lit 3 ou 4 bouquins en même temps. Cette fois ci le titre est plutôt évocateur. C’est un livre de Russel Banks « Sous le Règne de Bone » un voyage initiatique d’un olividados en Jamaïque. Apparemment l’oracle du living room a senti venir les choses. Puis je me pose sur le lit. Et je me rends compte.

Comme à l’accoutumé, il ne me reste pas un seul pote. Après près de trente tentatives de sortie avortées par mon amour fusionnel, et mon incapacité à vivre sans elle, ils se sont découragés. Promis la prochaine fois je ne recommencerai pas. Puis mon travail ? Donc je passe le plus clair de mon temps à essuyer des refus. J’essuie plus de refus que de m*.* par jour en réalité. C’est devenu ma toilette quotidienne. A un moment donné, j’envoie mon CV à « Causette » et à « Atlantico », là je sens que ma fin est proche… les vautours se régalent déjà autour de ma triste dépouille de journaliste raté. Heureusement même les carnassiers ne veulent pas de moi.

Je laisse Amélie dans un coin de ma tête, dans une cave, résidence secondaire de toutes mes conquêtes et de mes débandades. Amélie appelle pour me demande où je suis. Pris soudain d’une arrogance quelconque, je monte sur mes grands chevaux. C’est fait je suis dans « Melrose Place » manque plus que la piscine. Je lui lance cette sentence : Je suis parti et tu ne me reverras plus. Je raccroche le téléphone satisfait. Je me dis que ça ne pouvait pas être autrement. Que de toute façon notre histoire était déjà terminée. Je repense à tous ses reproches sans imaginer une seconde qu’il est aussi très difficile de vivre avec moi.

J’ai un reportage demain pour une chaîne numérique hollandaise qui n’accepte jamais mes sujets. Et là ! C’est le drame ! J’ai oublié ma caméra et mes antiépileptiques. Je rappelle Amélie, la mort dans l’âme. Elle refuse ! Commence une négociation imbécile. C’est comme si tu demandais à un criminel de retourner sur la scène du crime pour récupérer son briquet. J’ai l’air aussi bête qu’un candidat imbécile de téléréalité qui vient faire son coming out devant 60 millions de personnes alors qu’il a été incapable d’en parler à son père pendant 30 ans. Je suis exténué. Je rappelle elle raccroche. Je n’ai jamais stalké personne. Je stalk mon ex pour récupérer une caméra… Elle cède. Elle me rend la caméra autour de la place d’Alésia avec un regard de dédain. J’ose lui dire un « Ça Va ? ». Il n’y a rien de plus malaisant. Elle ne prend même pas la peine de répondre et monte les yeux au ciel.   Non ça n’a jamais vraiment marché entre nous.

La mort dans l’âme je prends rendez-vous avec Colin et je lui propose un arrangement. Je veux lancer une agence de com. Pour reconstruire quelque chose, on commence sur des ruines.

No comments

You cannot copy content of this page

Exit mobile version