“Je suis ni de l’ancienne ni de la nouvelle école“, avec une seule punchline, Dinos résume sa position dans le rap français. Il est difficile de juger Dinos sans passer en revue la concurrence. Il n’y a plus “un rap aujourd’hui“, “à chaque Rap son public” comme nous l’a confié un rappeur de DinRecords au milieu des années 10′. Dinos pour sa part ne choisit jamais la facilité. Il représente sans aucun doute un renouveau mais également la renaissance d’un rap que l’on croyait oublié.
Le rap des années 10′ et 20′ choisit la forme. Si il y avait bien une spécificité du rap français dans les années 90′, aujourd’hui elle se tasse sous l’influence directe du rap américain. L’exception culturelle française dans le Rap est morte et enterrée. Les poètes laissent place aux faiseurs d’ambiance. Les rappeurs sont fatigués d’écrire des vérités que personne ne veut entendre. L’interview de Mister You à Vice à ce titre est symptomatique. Le rappeur a laissé entendre au détour d’une confession au psychiatre de la chaîne qu’il ne voulait pas crier dans le vide. Pourquoi s’appliquer sur des textes que personne ne veut entendre ? Il ne s’agit pas seulement d’une question de rap conscient même si les grands maîtres en la matière ne font plus beaucoup de chiffres.
A ce titre Dinos est un rappeur de l’ancienne école. Depuis ses débuts avec “Amany“, en passant par son disque d’or pour “Taciturne“, le rappeur est un véritable virtuose des rimes. Le rap est né de l’art de Mc au cours des DJ Set. L’artiste rap se sert de sa voix, et de ses mots, tamponnés sur les prods comme d’un instrument. Et Dinos est sans aucun doute dans le fond l’un des plus grands lyricist de la nouvelle génération. Sans forcer sur des effets fastidieux, sans arrogance, ses paroles évoquent des images souvent dérangeantes, des tableaux d’un malaise général au sein des quartiers : “Je suis noir comme Jésus, noir comme mon époque, noir comme un glock“.
Mais même dans ce côté poétique, le rappeur a quelque chose de la nouvelle école. La France n’est pas un pays de tradition rock. La France est connue pour la “Chanson Française” qui a transporté le pays depuis les premiers amours d’Edith Piaf en passant par Brel, Brassens, jusqu’à la variété d’aujourd’hui : “Moi j’ai tellement peur de celui que je suis en train de devenir“. Comme Youssoupha qui déclarait : “c’est nous la chanson française“, Dinos est aussi le meilleur héritier des chanteurs français. Oui “Stamina” n’a rien à voir avec “La Foule” ou avec “La Bicyclette” mais dans le fond, la poésie qui ruisselle de ses vers sont le meilleur exemple de la bonne santé de la musique aujourd’hui.
Et la forme alors ? Avec Ken & Ryu, un beatmaker qui l’accompagne tout au long de l’album mais aussi d’énormes signatures comme Chapo, ou Heiseinberg, le rappeur revisite la musique urbaine : dans un gangsta featuring avec Nekfeu (Moins un) , dans un titre mélancolique avec Da Uzi (Maman J’aime) , ou dans des titres plus caractéristiques de l’œuvre de Dinos depuis ses débuts comme “Césaire” (Le jour se lève, je ferme les yeux, je ne vois que dans le noir). A ce titre, entre toutes ses influences, et sa polyvalence à couper le souffle, Dinos est un rappeur de la nouvelle génération : “Les perdants ont des excuses, les vainqueurs ont des raisons“.
C’est ce qui explique sans doute le démarrage de cet album. Dinos s’est imposé en tant qu’artiste et pas en tant que rappeur. Son album est un exercice de style réussi dans lequel le rappeur se renouvelle à chaque morceau.