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A la vue de ce titre, « Du puriste dans le rap », le puriste lui-même, cet homme que le rap a bercé, froncera probablement les sourcils. Il se dira :
« Encore un journaleux qui veut se faire une « street » crédibilité en affichant un intérêt pour le rap, en suggérant de manière très hypocrite que le rap c’est « cool », que le rap c’est un bon sujet ».
Jamais, non, jamais le puriste ne cédera à l’intellectualisation « fashion » du rap. La vie est brutale, le rap est brutal, point barre. Le puriste crache sur les débats à l’ENS (École Nationale Supérieure) et méprise toutes les analyses stylistiques autour des textes de CASEY, AKHENATON, ou BOOBA. Le rap n’est pas une science, c’est un art. D’ailleurs, le puriste connait bien le sociologue Karim Hammou, il dévore ses articles mais fini toujours par le confiner au rang d’intello qui « ne connait rien au rap ».
Le puriste crache aussi sur les revues de littérature qui, en analysant le rap, tendent à lui attribuer une forme d’intelligence comme si le rap avait besoin d’être validé.
Au passage, le puriste ne regardera pas la série Validé. Ou alors, il feindra de ne pas s’y intéresser car le tableau est trop « mainstream », que Gastambide est blanc et que forcement il n’y connait rien à tout ça.
Le jeune loubard regardera tout de même le premier épisode pour se convaincre lui-même, sans se confronter à toute autre avis, que la série validé est « pétée » car elle n’est en fait qu’un vulgaire prolongement du rap actuel, une série « fast food » en somme.
Tandis que la majorité de ses amis apprécierons, et pas qu’« à moitié », les 8 épisodes qui se succèdent parfaitement, le puriste ne validera pas. Jamais. Comme il ne validera pas la trap française, sauf Rim k du 113 peut-être.
Nous ne pouvons poursuivre notre propos sans rendre hommage à Mr L’impertinent du 93 qui avait déjà établi une belle liste de critères concernant le puriste, une liste d’habitudes ou de comportements totalement contradictoires voir absurdes publiés sur son blog dans une lointaine époque.
Pour exemple : « T’es capable de démontrer à n’importe qui que Talib Kweli est l’un des plus grands lyricistes du rap US et que Rick Ross écrit comme ses pieds, alors que tu parles anglais comme une vache espagnole »
« T’ES L’ENFANT SEUL… JE SAIS QUE C’EST TOI… »
Lorsqu’il écoute du rap, le puriste est pris aux tripes. Il ne fait plus qu’un avec le message du MC, il sourit discrètement en entendant ses punshlines, il se met même à les fredonner malgré sa mâchoire serrée et son air sérieux.
Ainsi, le puriste se doit de défendre ses parrains. Il vit pour ces artistes qui l’ont couvé tout jeune, l’ont fait réfléchir à l’adolescence et l’ont porté à une réelle résilience à l’âge adulte.
Si l’on écoute le puriste, seul « Les enfants du rap », ceux qui se réclament de cette musique, ceux qui écoutent aussi bien de la drill anglaise, de la trap marocaine que du rap français « conscient », peuvent se permettre de parler de ce genre musical.
LE « PURISME », UNE DOCTRINE ?
Être un puriste c’est porter un état d’esprit. Ce loubard du rap est un défenseur des opprimés, un Matoub Lounes, un Che Guevarra, ou un Malcome X. Oui, le puriste se réclame de ces grands hommes sans jamais les citer.
Ce qui est intéressant, et c’est ici que s’élève notre réflexion car travailler sur le thème du « puriste » nécessite une analyse assez pointue pour ne pas le perdre, eh bien c’est qu’il existe des rappeurs faits pour les puristes.
A Paris, Hugo du TSR Crew, apparait comme étant la référence. Ce virtuose des mots s’est érigé en martyr puisque malgré, son talent hors norme, un flow glissant, et des rimes acérées, Hugo n’est jamais vraiment sorti de cette obscurité planant sur ces quartiers du 18.
Des groupes comme La Rumeur, La Scred Connection ou encore la rappeuse Casey, font aussi partie de ses icones.
Du côté des États-Unis, nous pouvons citer Lupe Fiasco, Mos Deff, Das fx, Cormega, ou encore Da Dogg Pound bien qu’ils soient tous plutôt reconnus.
Souvent, ce sont des rappeurs à textes. D’ailleurs, le vrai drame pour le puriste est de se retrouver complètement perdu avec le rap actuel, le rap plus communément appelé « rap de chicha », une sorte de fade mixture constituée de rimes pauvres, voir proche de la misère, pleines de vocodeur et de « gimmicks » répétés en boucle.
« LE RAP C’ETAIT FORCEMENT MIEUX AVANT »
Surtout, le puriste ne comprend pas comment des rappeurs phares de son époque, comme Rim k, Oxmo Puccino, ou Lino, puissent contredire le message « le rap c’était mieux avant ».
Ce slogan a suscité beaucoup d’interférences entre les puristes qui, soudainement, se sont vu séparés au sein même de leur communauté. Certains ont pris le risque de paraître ouvert d’esprit en déclarant, sans cligner de l’œil, que non le rap n’était pas mieux avant et qu’il s’agissait juste d’une autre époque.
D’autres sont restés campés sur leurs positions en allant ressortir de vieux sons poussiéreux comme Pucc fiction, Les bidons veulent le guidon, Hardcore, ou bien Je boxe avec les mots…. Des sons qui, pleins de génies, remettent effectivement les pendules à l’heure.
En parlant de pendules, le puriste, après avoir poster ces morceaux indémodables et convaincants sur les réseaux, n’oubliera pas de rappeler les combats d’antan comme ceux de Public Ennemy, Krs One, Assassins, ou NTM.
Une manière de dire que le rap, encore une fois, est un art voué à défendre des causes, sinon à rester un art entièrement à part.
Le puriste souffre de bannissement. En réalité, il semble se bannir lui-même en s’enfermant dans un cadre très peu flexible et c’est d’ailleurs un des sens du terme « purisme » qui selon le Larousse, est
« Une attitude selon laquelle l’utilisation de la langue doit se conformer à une norme idéale visant à privilégier un usage dit « pur » qui interdit toute évolution et notamment tout emprunt ».
PAS DE STRASS NI DE PAILLETTES
Le « Rap Game » actuel horrifie le puriste. Il ne saisit pas les codes, les termes, les sapes, les cheveux longs. Le puriste crache sur les stories instagram des nouveaux rappeurs.
Il n’assimile pas non plus la Trap française, car, les débits de rimes, toujours dans le même tempo lourd et simplifié, enlève toute poésie au rap.
Le puriste est perdu. Et quand il est perdu eh bien le jeune loulou sort avec son pull Mafia K1 Fry, descend les marches du métro « capuché », puis arrivé sur le quai, il sort discrètement son iPhone, se branche sur Spotify et laisse couler le vocodeur de JUL.
Oui le puriste est plein de contradictions. Il crachait sur l’artiste marseillais a ses débuts mais a fini par l’embrasser. Le puriste est comme tous les hommes, il peut être corrompu.
C’est pour cela qu’on l’apprécie car malgré ses humeurs maussades et ses discours moralistes, le puriste s’est cassé le cul à faire des top 50 dans son téléphone, il a bravé vent et pluie pour se rendre à des concerts mythiques, il a vu l’Élysée Montmartre brulé, et parfois, ça lui arrive, il se rend encore à la Fnac, là ou finalement, entre les vinyles et les ardoises classeuses de disques, le puriste semble véritablement à sa place.
Karim Mouici