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Jacques Bral, l’indépendant.

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ZEZ
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C.E.O HELL SINKY, author, journalist, documentary

Téléphoner peut avoir des propriétés mortuaires.

Le réalisateur Jacques Bral allait être incinéré au crématorium du cimetière du Père Lachaise. La cérémonie débutait à 10 heures. Au téléphone, ce matin- ce mardi 26 janvier 2021-, un peu avant 9 heures, Jamila Ouzahir, l’attachée de presse, m’a appris ça. Elle s’apprêtait à s’y rendre.

J’étais dans ma voiture dont je faisais tourner le moteur. Durant la nuit, il avait un peu gelé. Il faisait moins un degré.

J’avais appris la mort de Jacques Bral quelques jours plus tôt (le 17 janvier) et j’avais pensé à Jamila. Elle s’était occupée de la sortie du dernier film de Bral, Le Noir (te) vous va si bien en 2012.

Je n’aime pas cette vogue qui consiste à régulièrement nous allaiter avec la nouvelle du décès de quelqu’un. Cette montre funéraire semble destinée à régler promptement nos cadences sur cette terre. Comme si, sans elle, nous étions perdus et incapables de nous (é)mouvoir. Comme si nos vies comptaient moins que toutes ces morts.

Mais j’aime, dans les enterrements, le fait d’y déceler, même si c’est par des traits fugaces,  une sincérité absente dans certains mariages. Et ce que m’inspirait Jacques Bral m’a donné envie de venir.

Pourtant, j’ai du mal à me rappeler si j’avais croisé Jacques Bral lors de la sortie de Le Noir (te) vous va si bien. Je crois que oui. Ce fut court et au moment des projections de presse. Par contre, j’avais écrit sur Le Noir (te) vous va si bien.

Un article sur un film ou sur tout autre sujet, ça n’a l’air rien. Ça peut ressembler à une formalité et à un assemblage de banalités. C’est sûrement ça, aussi. Sauf si l’on y a mis de soi.

Lorsqu’une défunte ou un défunt n’est plus là pour parler, ses œuvres, et celles et ceux qui restent prennent alors  la parole pour le raconter.

Sur la carrière de réalisateur, de monteur, de producteur et de scénariste,  de Jacques Bral, je ne sais rien de plus que ce qui a déjà été écrit ou que l’on trouvera ici ou là. Le peintre et le plasticien Bral, je l’ai aperçu seulement ce matin. Deux ou trois de ses œuvres entouraient sa photo posée sur le cercueil.

Par contre, j’étais présent, au crématorium, lorsque trois hommes ont parlé de lui. Un rabbin, un acteur et un monteur. Trois façons différentes de parler de la même personne. Il en existe sûrement tellement d’autres.

J’avais oublié que Bral venait d’Iran.

Après les propos du Rabbin, l’acteur Jean-François Balmer et le monteur Jean Dubreuil sont venus témoigner, chacun leur tour.

Balmer a raconté leur séjour – leur rencontre ?- au festival de cinéma de Mexico. C’était après la sortie de Extérieur, Nuit (1980).  Bral et Balmer n’étaient pas d’accord sur tout. Bral a dit à Balmer :

« Tu es complètement con ! Tu ne sais pas lire les scénarii ». Devant nous, ce matin, Balmer a admis qu’il y avait eu une part de vrai dans ces propos.

Puis, Balmer nous a dit comment, pratiquement la veille pour le lendemain, Bral l’avait appelé afin qu’il prenne le rôle d’Eugène Tarpon dans son film Polar (1984) d’après l’œuvre Morgue Pleine de Jean-Patrick Manchette. Un film dont Balmer était très content. Film que je n’ai pas encore vu alors que Manchette fait partie des auteurs qui m’ont aidé à une certaine période de ma vie plutôt déprimante.

Balmer a aussi évoqué la « finesse et la délicatesse intérieure » de Bral, lesquelles pouvaient être quelques fois « murées et cadenassées ». Puis son rire, qui, lorsqu’il apparaissait, était une « récompense », emportant tout sur son passage et comme venant «  du fond des âges ».

Jean Dubreuil, monteur des films de Bral pendant trois décennies, a appris avec lui « à ne jamais renoncer ». « Promets-moi de ne jamais oublier la petite montagne que nous avons soulevée » lui a demandé Bral.

Dubreuil nous a aussi parlé des visites qu’il rendait à Bral entre deux films. Il nous a décrit un réalisateur «  à l’affût des innovations technologiques » ainsi qu’un homme qui a su garder son indépendance «quel qu’en soit le prix ! ».

Ce matin, encore, Bral «  l’indépendant », avait aussi su garder l’affection de bien des personnes.

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