La face blême et maladive, attablé derrière un bureau ovale, la plupart des directeurs marketing vous le diront : “il n’y a pas de mauvaises polémiques“. “Papicha” est un film sur l’Algérie de l’horreur, celle de la décennie 90′, grand lieu d’affrontement entre l’islamisme naissant et la bourgeoisie militaire au pouvoir.
“Papicha” raconte l’histoire de quatre jeunes filles qui s’essayent à la vie de femmes adultes dans une Algérie qui ne veut pas d’elles. “Papicha” parle d’un drame que ni l’Algérie ni la France n’ont voulu voir, et pourtant il s’est déroulé sous nos yeux. Alors lorsque défilent les scènes de cette vie amère, de cette ségrégation de la femme algérienne au quotidien, et cette grande symphonie de l’absurde sur laquelle finit le film, on est tenté de regarder notre France. Non la France est loin d’être une République Islamique, mais les divisions entre les communautés religieuses, ethniques et culturelles sont si importantes dans le pays que dans chaque camps, le discours se durcit, les coups deviennent plus durs. “Papicha” nominé au Oscars, et ayant obtenu le César du meilleur premier film a été censuré en Algérie, pourtant il a été coproduit par une Agence d’État. Beaucoup de médias ont réduit alors “Papicha” à cette merveille censurée par le “méchant” pouvoir algérien, c’est bien dommage ! Car le film est peut être l’un des meilleurs portraits de cette Algérie en crise identitaire.
L’islamisme “moderne” naît en Egypte avec Sayyid Qutb et les frères musulmans, il se développe en Iran en 1979 avec la première théocratie. Il se place en opposition au nationalisme des anciens dirigeants, et surtout à “l’occident“, qualifié de “grand satan“, qu’il combat. Si l’islamisme réussit partout à percer jusqu’à aujourd’hui, c’est sans doute car il a toujours été “le mont de piété local“. Alors déçues des pouvoirs en place, fatigué de l’interventionnisme post colonial, et des conflits qui gangrènent le monde, les populations se tournent vers l’Islam Politique. Corollaire inévitable de l’islamisme, le rejet des valeurs et de la culture occidentale sous toutes ses formes, y compris tout le volet qui concerne la libération de la femme (déjà réelle en Tunisie à l’époque). Dans cette société là, la femme n’a pas sa place.
Pour son premier film, Mounia Meddour décide de suivre 4 jeunes filles “libres comme le vent“. Nedjma fabrique des robes en cachette qu’elle va revendre en boite de nuit le soir avec sa meilleur amie. Les “papichas” (jeunes filles de la bourgeoisie algérienne) en sont folles. Mais de jour en jour la situation se dégrade, la violence devient réelle, les islamistes contrôlent peu à peu des pans de la société entière. Ils n’hésitent plus à s’afficher devant la faculté. Après la mort de sa sœur, journaliste, assassinée par une jeune d’à peine 15 ans littéralement fanatique, Nedjma tente d’organiser un défilé de mode, un défilé entre femmes voilés ou à l’air libre, mais un défilé de la résistance…
Il a été reproché au film de surjouer sur l’émotion. Peut être que certains journalistes sont trop focalisés sur la technique cinématographiques. Car “Papicha” est le plus beau tableau de cette société algérienne divisée par une crise identitaire qui l’écartèle. Les actrices et plus particulièrement Lyna Khoudri sont pétillantes, rafraîchissantes, et surtout tout à fait crédibles. Le film n’est pas non plus un pamphlet visant à réduire l’islam à ce qu’on en fait les terroriste algériens. Derrière cette simplicité de façade, toutes les facettes de la femme algériennes sont représentés depuis le problème du voile, jusqu’à cet échange entre “Papicha” et son petit ami. On pourrait appeler ça le “machisme des biens pensants“.
Si la plupart des films français ou américains qui traitent de l’islamisme sont caricaturaux, “Papicha” a vraiment le mérite d’arrêter le temps en Algérie en 1990, et de ne jamais tomber dans la facilité. Et le combat de Nedjma, un combat beaucoup trop grand pour ses petites épaules, nous rappelle à tous à l’heure actuelle que nous sommes avant tout les victimes des mouvements historiques qui nous emportent. Les combattre c’est résister.