Monday, November 18, 2024

Maudit !- un film d’Emmanuel Parraud

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C.E.O HELL SINKY, author, journalist, documentary

L’île de La Réunion est aussi le pays où se déroule une course de trail très dure mais aussi mondialement connue:

La diagonale des fous- ou le Grand Raid- qui perce l’île sur une distance de 164 kilomètres.

A première vue, Alix (Farouk Saïdi) et Marcellin (Aldo Dolphin) sont deux sportifs du coin qui reviennent d’un entraînement de trail. Ils ont la trentaine, ont un travail, se débrouillent et ont l’air plutôt cool. Nous sommes en 2020 ou en 2021. C’est aujourd’hui. 

Le sport, dont la course à pied, fait partie des valeurs culturelles fortes et des attraits de l’île. La Réunion, c’est joli, avec ses paysages  admirables. Les fées y ont les pieds dans l’eau. Maudit débute d’ailleurs avec la prestation de la belle et blonde Dorothée (Marie Lanfroy, membre et chanteuse dans la vie du groupe réunionnais Saodaj’) alors qu’elle est sur scène. La chanteuse aborde la transe lors d’un concert sans doute au moins de Maloya.

Une idylle s’ensuit entre l’artiste Dorothée et Marcellin, le tombeur, vainqueur de plusieurs courses. Tout cela se passe devant Alix qui assiste à ce nouveau succès de son meilleur ami. 

Marcellin est le plus clair des deux hommes. Celui qui semble aussi être le mieux dans cette peau. Cette particularité “pigmentaire” est  sans doute une petite coïncidence.

Ou l’indice d’une certaine forme de paranoïa.

Mais cette distinction pigmentaire est aussi une convention bien assimilée- et pratiquée- lors des critères de séduction et de sélection de son ou de sa partenaire :

Car c’est seulement en me réveillant ce matin, après avoir publié cet article hier ( le 19 février 2021) que je me suis rappelé de ces deux aspects qui différencient les deux amis. 

Nous sommes pourtant sur l’île de la Réunion, une des régions les plus métissées au monde, souvent présentée comme un pays où la tolérance inter-ethnique, multiculturelle et religieuse serait vécue quotidiennement telle une évidence. Avec Maudit ! subtilement, nous faisons une autre expérience de cette “croyance”. Ensuite, nous avons un choix à vivre : 

Préférer à cette “croyance” toutes les beautés étalées et immédiatement accessibles de la Réunion. Ou essayer, aussi, comme le réalisateur, d’entrer dans ce que cette île a de moins supportable.  

L’enivrement touche peut-être Emmanuel Parraud, qui, après Sac la Mort (2016), poursuit sa reconnaissance de la Réunion avec un nouveau tandem masculin d’acteurs non professionnels. Le personnage d’Alix lui sert ici d’avatar. Et, vers la fin du film,  on apercevra l’acteur Patrice Planesse, son précédent avatar, un des protagonistes principaux de Sac la Mort.

Moins égal que celui-ci, Maudit !  est aussi plus ambitieux dans son traitement formel pour présenter “l’ire-rationnelle” que contient l’île et qui ne tient pas dans quelques bouteilles en verre. Au même titre que la violence subite qui  part des coulées de terre de cette histoire que nous verse Parraud. Les bouteilles à la mer, si elles existaient du temps de l’esclavage, n’ont servi à rien.    

Un film sur la Réunion loin des pistes touristiques,  et, en  Créole, c’est rare au cinéma. Alors, on en profite.

Alix et Marcellin ont grandi dans la même famille d’accueil. Orphelins, ils sont devenus inséparables comme les doigts de la main. Cela tient comme ça pendant des années. Puis, arrive la lueur de la femme blanche (Dorothée). On la croit l’éclaireuse magique vers une histoire qu’Alix et Marcellin, malgré leurs kilomètres parcourus en pleine nature, n’ont  pas bouclée. Une histoire où la douleur et la colère, plutôt qu’absentes, s’activent parmi les plantes.  

Car lorsque la femme libre- Dorothée- s’évapore, la dépression des deux amis, autrefois relayée, devient une discipline individuelle pour forcenés. Chacun retourne au bercail comme vers les poings… de son cyclone. Et ça cogne fort. Le rhum, sérum ou filtre, est utilisé bien-sûr. Mais c’est un miracle grossier qui, s’il racle et se raccroche à  la gorge, rapproche aussi des traits et de l’acier de la folie.

Parraud nous parle d’un pays plus mûr pour le fait divers que pour la parole qui libère. Car, selon lui, les beaux paysages, la joie de vivre officielle et les trophées sportifs se lézardent encore devant les fracas du passé.

Sortie prévue dans les salles au printemps 2021.

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