Noël, il y a plus d’une dizaine d’années. À table, la famille fait grise mine comme à l’accoutumée. C’est un “Festen” version parisienne qui s’étale devant les yeux des concubins des membres de la famille. Ceux-là ne participent pas à la fête, ils s’échappent ou se taisent. J’ouvre mon cadeau de Noël avec le même empressement qu’un chien devant lequel on aurait mis deux doses de Whiskas. “Game Of Thrones, l’intégrale”. Alors, j’esquisse un sourire hypocrite radieux. Le lendemain matin, je revends l’intégrale à Gibert Joseph. Un livre de cape et d’épée ? Vraiment ? Trois ans plus tard, affalé comme un plâtre sur le canapé de mon appartement, je finis la première saison de Game Of Thrones. Comme tous les spectateurs, je m’attends à un sauvetage de dernière minute de Ned Stark alias Sean Bean, l’homme le plus tué des films de cape et d’épée, puis sa tête tombe dans un seau. Game Of Thrones est né.
Je pense à racheter mes livres chez Gibert Joseph. Jusqu’à la quatrième saison de la série, GOT devient emblématique. Sexe, violence et surtout le véritable ferment de la série : dans GOT, il n’y a pas de héros, tout le monde brûle sur le bûcher des vanités. Et enfin ce final de la quatrième saison où la famille Stark, honorable et fière, se fait tout simplement éradiquer dans ce qui ressemble à un nettoyage ethnique. Puis Hollywood reprend le dessus. Dans le charnier du mariage rouge naît un certain Jon Snow, bâtard des Stark mais surtout véritable héros. Dès lors, il n’y a plus de rebondissements ou de réalisme, Jon Snow devient invincible et GOT raconte ses aventures. La série est toujours aussi suivie, mais elle est plus mainstream et plus polie. L’impertinence de GOT meurt avec les Stark. À la fin de cette longue série, les créateurs annoncent une série de spin-offs et un prequel. Oui, si Walt Disney a racheté George Lucas, GOT est devenu le nouveau Star Wars. Le prequel de Game Of Thrones, House of Dragon, a dévoilé sa deuxième saison et a suscité beaucoup d’attente. Qu’en est-il du prequel de Game Of Thrones ?
House Of Dragon : Les recettes de GOT !
Au commencement était le roi Viserys qui eut une fille nommée Rhaenyra Targaryen. Le roi Viserys eut la merveilleuse idée de marier la meilleure amie de sa fille Alicent qui lui donna aussi des enfants. Pendant les dernières années de sa vie, Viserys vit les siens se livrer à une lutte sans merci entre les partisans de Rhaenyra et les héritiers issus de son union avec Alicent. À sa mort, sa fille Rhaenyra et ses héritiers se livrent à une lutte sans merci. Voici les recettes de base qui font de House Of Dragon une série très proche de ce qu’était Game Of Thrones. Au programme : inceste, têtes découpées, trahisons de toutes sortes, et encore pire. Avec l’effet de surprise en moins, House Of Dragon est une série qui récupère tous les ingrédients qui ont fait le succès de Game Of Thrones.
La structure narrative est aussi très intéressante. On dit souvent que la psychologie d’une femme ou d’un homme se construit autour de son enfance. La première saison de House Of Dragon est certes un peu “pauvre” en rebondissements. Mais les auteurs égrènent dans cette première saison tous les traumatismes qui apparemment vont accompagner les personnages tout au long de la série. Certains prétendent que ce qui fait de Breaking Bad l’une des plus belles séries au monde c’est surtout l’évolution des personnages. Si “Friends” est une série humoristique extraordinaire, elle a été conçue comme une sitcom (un format plus ancien) : le Ross et la Monica de la première saison sont toujours les mêmes. Tandis que le personnage principal de Breaking Bad subit une “métamorphose” de la première à la cinquième saison. Dans “House Of Dragon”, et c’est une belle nouvelle, le personnage de Rhaenyra ou plus encore celui d’Aemond Targaryen sont sans doute les plus intéressants. Pour le fils d’Alicent, on assiste à la construction d’un monstre à cause des traumatismes subis pendant l’enfance. Pour la fille de Viserys, l’intérêt consiste à comprendre si elle sera plus forte que son père pour assumer son rôle de reine.
House Of Dragon : Encore trop manichéen !
Les acteurs, comme dans Game Of Thrones, sont parfaitement crédibles. Alicent est jouée par Olivia Cooke, que vous avez sans doute déjà vue auparavant. Daemon, interprété par Matt Smith, est un personnage exubérant qui n’a pas encore livré tous ses secrets. La reine Rhaenyra est interprétée par Emma D’Arcy. Les personnages secondaires, et même tertiaires, ont tous un rôle à jouer dans le drame qui se déroule devant nos yeux.
On peut cependant faire deux reproches à House of Dragon. Le premier est une critique que l’on pourrait aussi faire à l’égard de Game Of Thrones. Avec le personnage monstrueux d’Aemond, et même si les scénaristes ont fait un effort en ce sens, les Hightower ne paraissent pas vraiment sympathiques. C’est encore un peu manichéen. Et même s’ils ne sont pas aussi haïs que les Lannister, il aurait été très intéressant que le public se partage entre les deux clans au lieu de plébisciter le camp de Rhaenyra. Aussi, la structure narrative est la même que celle de Game Of Thrones avec les mêmes déclencheurs. Un des personnages clés de la série ressemble de très près à un certain Littlefinger, et il y a encore et toujours cette summa divisio de Game of Thrones entre les hommes “d’honneur” et ceux qui sont prêts à tout pour le pouvoir.
Cependant, le jeu de pouvoir entre les dragons, une nouveauté par rapport à Game Of Thrones, pourrait vous surprendre.