Tuesday, September 30, 2025

De Dallas à Game of Thrones : l’évolution des séries en trois grandes ères… et deux œuvres hors norme

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C.E.O HELL SINKY, author, journalist, documentary

Les séries télévisées, longtemps considérées comme de simples divertissements grand public, ont traversé en quelques décennies une véritable métamorphose. Ce que l’on appelait autrefois « les feuilletons du soir » est devenu, dans certains cas, de la fiction d’auteur, voire de l’art total. Trois grandes périodes peuvent être distinguées dans cette transformation : l’âge classique des années 70‑80, la révolution narrative des années 90, puis l’émergence du « prestige drama » et des superproductions à partir de la fin des années 90. Deux œuvres – The Wire et Breaking Bad – échappent cependant à cette classification linéaire. Elles constituent des exceptions fondatrices, qui ont réinventé en profondeur le rôle de la série dans la culture contemporaine.

La télévision à l’ancienne : l’ère des séries mainstream (années 70–80)

À cette époque, la série télévisée repose sur des formats figés, produits pour les grandes chaînes généralistes (CBS, NBC, ABC). Le récit est le plus souvent autonome d’un épisode à l’autre, sans réelle évolution des personnages ou de l’intrigue à long terme. Des shows comme Dallas (1978), Côte Ouest (Knots Landing, 1979–1993) ou encore The Cosby Show illustrent cette époque où la télévision cherche avant tout à fidéliser un public familial large, avec des personnages rassurants et des arcs narratifs prévisibles. Le succès repose sur la routine. L’objectif n’est pas de perturber, mais de rassurer.

La première révolution : narration longue et ambiances inédites

En 1990, David Lynch et Mark Frost signent un tournant avec Twin Peaks. Diffusée sur ABC, une chaîne nationale, la série est à la fois une enquête policière, un récit onirique, une critique sociale et une plongée dans le bizarre. L’ambiance étrange, les silences pesants, les ellipses, les incursions dans le surnaturel : tout dans Twin Peaks rompt avec les codes dominants. Contre toute attente, le public suit : plus de 30 millions de téléspectateurs pour le pilote. La série prouve qu’un récit non conventionnel peut captiver à grande échelle.

Quelques années plus tard, en 1997, Oz de Tom Fontana, diffusé sur HBO, va encore plus loin. Située dans une prison fictive ultra-violente, la série impose un réalisme cru et une esthétique brutale. Les monologues frontaux, les récits morcelés, l’absence de héros traditionnel annoncent une nouvelle ère. C’est également à cette période que le terme de « showrunner » s’institutionnalise : désormais, une seule personne peut être à la fois l’auteur, le producteur et le garant artistique d’une série. C’est l’avènement d’une forme d’auteur télévisuel.

Le prestige drama : quand la série devient une œuvre d’art

Le véritable basculement se produit en 1999 avec l’arrivée de The Sopranos sur HBO. Pour la première fois, une série télévisée met en scène un personnage complexe, à la fois pathétique et terrifiant : Tony Soprano, mafieux en crise existentielle. La psychologie prend le pas sur l’action. Les épisodes s’enchaînent comme les chapitres d’un roman. On parle désormais de prestige drama.

Dans son sillage, Six Feet Under (2001), Dexter (2006) ou Mad Men (2007) continuent de brouiller les frontières entre bien et mal, entre héros et salaud, entre télévision et cinéma. Le ton se fait plus sombre, plus introspectif, plus adulte. Les séries s’imposent comme des œuvres à part entière. Le format feuilleton devient la norme, les saisons s’écrivent avec une unité narrative et une ambition esthétique digne du 7ᵉ art.

Les séries comme superproductions mondiales

Avec Game of Thrones (2011), HBO franchit une nouvelle étape. L’univers est gigantesque, les effets spéciaux dignes d’un blockbuster, le budget dépasse les 10 millions de dollars par épisode dès la sixième saison. La série devient un phénomène mondial, suivi dans 170 pays. C’est l’avènement des séries événements, pensées pour le streaming global, avec spin-offs et franchises.

Les plateformes comme Netflix, Amazon Prime ou Apple TV+ s’engouffrent dans cette brèche : The Lord of the Rings: The Rings of Power, Foundation ou Dune: Prophecy repoussent les limites de la production télévisuelle. Le budget ne fait plus la différence entre cinéma et télévision : seul compte le binge potential.

Deux exceptions fondatrices : The Wire et Breaking Bad

The Wire (2002–2008) : la série qui ne voulait pas en être une

Créée par David Simon, ancien journaliste du Baltimore Sun, The Wire est un cas à part. Chaque saison explore une institution différente : trafic de drogue, port, école, politique, médias. La narration est lente, méthodique, dépourvue d’effets spectaculaires. Tournée à Baltimore, la série fait appel à des acteurs non professionnels. Elle est parfois si réaliste que des criminels affirment s’y être reconnus. Mais The Wire refuse la séduction : son but est de montrer comment les structures écrasent les individus. Pas de héros, pas de bande-son spectaculaire, pas de cliffhangers artificiels. Un roman sociologique en cinq saisons.

Breaking Bad (2008–2013) : quand les personnages évoluent vraiment

Breaking Bad est l’antithèse de Dallas ou de Friends, où les personnages restent les mêmes pendant des années. Créée par Vince Gilligan, la série repose sur une question simple : que se passe-t-il si un homme banal devient progressivement un monstre ? Walter White, professeur de chimie atteint d’un cancer, devient baron de la drogue. La série suit cette transformation jusqu’à ses dernières conséquences. Ce n’est pas l’intrigue qui change : c’est le personnage. Chaque saison pousse plus loin cette évolution morale et psychologique. Un basculement majeur dans l’histoire du storytelling.

Conclusion : une forme en mutation permanente

Des intrigues familiales aux fresques géopolitiques, des sitcoms formatées aux tragédies modernes, des productions bon marché aux superproductions à 100 millions de dollars, les séries télévisées ont parcouru un chemin immense. Trois grandes ères en dessinent les contours. Mais c’est dans les marges, dans les œuvres comme The Wire et Breaking Bad, que la télévision a atteint ses sommets. Là où elle devient plus qu’un produit : un miroir du réel ou une machine à transformer l’humain.

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