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Demi Portion : Les versets humanistes !

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ZEZ
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C.E.O HELL SINKY, author, journalist, documentary

Depuis ses débuts avec “Artisan du Bic” jusqu’à son dernier album “La Bonne Ecole”, Demi Portion a ravivé un esprit Hip Hop corrompu par le business. Il n’est pas une matière qui échappe aux puissances financières. A ses débuts, aux USA dans les soirées du Bronx, et France, le mouvement Hip Hop dans son ensemble était une contre culture. Comme le rock des années 70′, il a été récupéré par les Maisons de Disque qui l’ont métamorphosé en produit manufacturé. Attention, évitez de tomber dans le passéisme pour dire que le Rap était mieux avant. En réalité il n’est ni mieux ni pire mais il est différent. Aujourd’hui, en studio d’enregistrement, les artistes ne travaillent plus de la même manière, et les Majors quelques fois leur interdisent des choses qu’il se seraient permis tout seul. Voilà pourquoi l’oeuvre de Demi Portion mérite toute notre attention.

Le rappeur ne vient pas de Marseille, et il n’est encagoulé derrière une bannière portant l’inscription d’un département à deux chiffres francilien. Il commence sa carrière “dans sa ville de Sète” dans le calme de la Provence. Cette tranquillité d’esprit, le Sétois le conservera jusqu’à son dernier album, il n’a pas assez d’égo pour faire de l’égo trip, il a beaucoup trop d’honneur pour transformer sa vie en Narcos. Son amour pour sa ville, il en fait une “Poignée de Punchline”.

Cependant, tout au long de sa carrière il a préféré le fond et la forme. Demi Portion c’est l’art de la poésie juste sur une mélodie touchante, c’est l’art de mettre des mots simples et d’exprimer le profond malaise qui touche les populations qu’il défend ardemment. A ce titre, ses cinq volumes du dictionnaire sont particulièrement touchant. “Entre Robert et Larousse, il y a Rachid le petit Rabza”. Il y défend une vision humaniste du monde. Pour tout dire, dans ses 5 volumes du “Dico”, le rappeur analyse la situation mondiale un peu comme un “Uzbek” dans “Les Lettres Persanes” de Montesquieu des temps modernes. Il s’étonne de tout même de nos causes perdues. Ardent défenseur de la langue française dans sa version la moins édulcorée, il vient jeter un pavé sur le crane de tous qui qualifie le Rap de “Sous Culture d’analphabète” (Eric Zemmour).

Le plus bel exploit de Demi P c’est d’avoir bazardé les maisons de disque à la sortie de “Dragon Rash”. Signé en distribution chez Musicast, le rappeur du Sud sort un opus poétique et engagé, calme et puissant, “une main de fer dans un gant de velours”. Le disque est plébiscité par l’ensemble du public. Sans jouer au “Demi Parrain”, il se paie les Majors à la sortie de son album envoyant valser la Trap et les égotrips au temps où ils étaient encore incompris. Par ailleurs, il s’offre Said Tagmahoui, l’acteur fétiche de Mathieu Kassovitz qui ouvre et ferme le bal du film “La Haine”.

Alors quand “La Bonne Ecole” est sorti il y a un peu plus d’une semaine, on a eu un plaisir non dissimulé à l’écouter. Premières impressions, le Demi Portion a réuni du beau monde sur son album avec Rocé (un classique parmi les rappeurs), Grand Corps Malade, Féfé, Big Flo et Oli, Furax, Davodka, Scylla. Entre grands rappeurs classiques, rappeurs indépendants cappés et reconnus, et quelques rappeurs grands publics, Demi Portion est tolérant et ouvert à la collaboration. C’est pourquoi dans cet album, il visite l’ensemble de son répertoire. Il faut savoir aussi que Demi Portion revisite deux des ses anciens titres et les transforme en concept. C’est tout d’abord “Petit Bonhomme 2″ dont le premier volet est extrait de l’album éponyme et dont l’instrumental nous vient du classique “The Message de Nas”. Dans ce titre, le rappeur de Sète met à nu le malaise des quartiers. C’est ensuite une “journée particulière 2″ qui fait suite à “‘une journée particulière 1” extrait de “Artisan du Bic” dans lequel le rappeur revient sur sa vie d’artiste et surtout sur le fait que rien n’a vraiment changé depuis.

“La Bonne Ecole” est un album fabuleux d’un artiste qui n’a rien fait pour qu’on s’intéresse à lui. Pas de coup buzz, pas de coup d’éclat, juste les rimes sincères d’un “lyricist” qui a réussi à mettre des formes et des mots sur les malaises qui nous tourmentent tous depuis que le bitume fait partie de notre ADN.

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