Bien qu’il ait brillamment évolué en indépendant, la carrière de SCH, telle que nous la connaissons aujourd’hui, débute véritablement avec sa mixtape “A7”, après sa signature chez Def Jam. Dès ses premiers clips, comme “Gomorra” et “Champs Élysées”, l’artiste marseillais révèle un sens aigu de l’esthétique, associant ses vidéos à des scénarios ou à des images d’une grande charge symbolique.
Son œuvre emblématique, “JVLIVS”, se présente sous la forme d’un album long métrage. À l’instar de certains rappeurs américains avant lui, notamment l’avant-gardiste Ghostface Killah (qui réalisait des albums narratifs sans visuels), SCH parachève son style en fusionnant la musique et l’image. Après la sortie du deuxième épisode, de nombreux rappeurs en relation avec le cinéma ont également dévoilé des courts et moyens métrages pour accompagner leurs projets. On pense à Kofs, profondément enraciné dans le monde du cinéma, ou encore à ZKR, qui a récemment présenté un bijou sous la direction de DJ Belleck. Mais ce mouvement gagne en ampleur, et Moubarak, le protégé de Jul, a lui aussi suivi cette voie avec un album scénarisé qui, bien que réussi, n’a pas connu l’impact de “JVLIVS”.
Autre particularité de SCH : le rappeur évolue dans une esthétique de noirceur absolue. Ses visuels empruntent souvent les teintes rouges et noires, des couleurs que l’on retrouve dans “Anarchie”, l’un de ses projets. Alors que SCH vient de révéler “Stigmates”, le premier extrait de “JVLIVS III”, il est opportun de mesurer l’immense influence de l’artiste sur le rap français. Cet épisode s’intitule “Ad Finem”, ce qui signifie “jusqu’à la fin”. Il s’agit donc du dernier chapitre de cette saga à la fois musicale et cinématographique.
SCH dévoile “Stigmates” : le premier extrait de “JVLIVS III” !
La composition instrumentale de ce morceau est signée Seezy. Originaire d’Épinay-sur-Seine et signé chez Capitol Music, Seezy est souvent associé à Vald, dont il est le compositeur de prédilection. Lors de son album collaboratif avec Heuss L’Enfoiré, Vald a emmené Seezy avec lui, aux côtés de Heuss et de Zeg P, affilié à Affranchis Music. Rappelons que “Horizon Vertical” a été l’un des premiers albums collaboratifs du rap français. Seezy et SCH avaient également travaillé ensemble sur le titre “Dernier retrait” en featuring avec Vald. Fidèle à l’univers sombre de SCH, Seezy délivre une production obscure et soignée. Ayant déjà collaboré avec Freeze Corleone sur “Hors Ligne”, il maîtrise parfaitement les compositions sombres et atmosphériques.
Dans la littérature romantique allemande du XVIIIe siècle (Goethe), les émotions des personnages influencent leur environnement. Dans “Stigmate”, synonyme de cicatrices, SCH traduit son vide intérieur à travers l’image d’un manoir abandonné et délabré. La richesse matérielle, privée d’amour et d’émotion : “Han, zéro chrome, zéro chrome (Oh), zéro love, y a zéro love / Enculé, causer à un mur, mieux qu’à un homme, grandir à la dure mieux qu’à la bonne”. Le rappeur exprime également des émotions profondes : “Sa mère, elle est morte, il était au placard, j’l’ai croisé dehors, mon frère, tu vois qu’il a pris un choc. Peu importe c’qu’il a fait, ça m’fait trop d’la peine, wesh, j’suis dans c’jeu comme si j’commençais d’ouer-j”. Il conserve toutefois son goût pour les punchlines incisives : “Tu fais ni l’beau temps ni la pluie, tu sors d’une chatte, enculé, tu s’ras jamais Dieu”.
Le visuel est d’une intensité inégalée (selon la mémoire des journalistes). Il mêle la vacuité des émotions de SCH, symbolisée par un manoir désert, hanté par sa haine et ses désillusions, à des images puissantes telles qu’un bateau naufragé, symbolisant la vie de thug qui perdure. PNL a souvent été distingué des autres groupes de rap pour sa vision réaliste de la vie de gangster. Exit les égotrips insouciants du début des années 2000 ; place désormais à des égotrips qui se confrontent aux dures réalités d’une vie hors-la-loi, entre “la mort et la prison” (Kery James).
Le visuel est signé par Kevin Hilem et Wiktor Piper. Kevin Hilem a collaboré à de nombreuses reprises avec le rappeur d’origine allemande, notamment sur “LIF”, “JVLIVS II : Le jour d’avant” et le poignant “Autobahn”. Wiktor Piper, un réalisateur étranger de renom, a également mis en scène le clip “Teka” de DJ Snake. Sans exagération, “JVLIVS III” s’annonce comme l’aboutissement de l’œuvre de SCH, un projet sophistiqué qui le place indéniablement au sommet de son art.