This Content Is Only For Subscribers
Marche jusqu’au viaduc
Elles ont probablement pris le bus 361. On peut le trouver à la gare d’Argenteuil d’où il part. C’est à une dizaine de minutes, en marchant bien, depuis le lycée Cognac-Jay.
Si elles sont parties du lycée, elles ont peut-être même pris le bus depuis le centre-ville d’Argenteuil, avenue Gabriel Péri, pour aller jusqu’à la gare. Et puis, attendre et prendre le bus 361 ensuite jusqu’à l’arrêt Belvédère. Là où Argenteuil se rapproche de la ville d’Epinay sur Seine.
En partant depuis la gare d’Argenteuil jusqu’à l’arrêt Belvédère, près du viaduc qui passe sous l’autoroute A15, en bus, cela doit prendre une dizaine de minutes.
Ce trajet peut même se faire à pied. C’est ce que je viens de faire, ce matin, après avoir emmené ma fille à l’école. Même si le bus 361 a un arrêt près de chez nous.
Intérieur-Extérieur
Il y a quelques nuits, au travail, j’ai eu un moment de déprime, en sourdine, venu sans prévenir. C’est passé. Personne n’a rien vu. Ni au travail. Ni chez moi. Je suis comme beaucoup de monde : j’ai un extérieur. Et un intérieur. Entre les deux, je filtre. Je fais le tri entre ce que je choisis de montrer et d’exprimer selon le moment, selon l’interlocuteur que j’ai en face de moi, selon la situation, et, bien-sûr, selon la gravité que j’attribue à ce que je ressens ou pense.
Une histoire de confiance
Bien-sûr, il y a aussi une histoire de confiance. Certaines personnes se racontent facilement voire à n’importe qui par la voire orale. Je dirais que je sélectionne assez strictement celles et ceux à qui je me confie. Mais, aussi, que je n’aime pas inquiéter mon entourage d’une manière générale. Des coups durs et des contrariétés, on peut en vivre à peu près tous les jours.
Apprendre à encaisser et à esquiver
Pour vivre, Il faut donc, aussi, apprendre à encaisser et à esquiver. Mais, aussi, à alerter des personnes ad hoc, ou qui l’on peut, lorsque cela devient vraiment nécessaire.
S’il est certaines menaces et certains dangers que l’on ignore ou que l’on néglige, il est, aussi, trop de fausses urgencesou trop de fois où l’on va brasser beaucoup de forces pour presque rien. On me dira : mieux vaut prévenir que guérir. Bien-sûr. Mais ça peut-être utile, aussi, pour d’autres qui peuvent véritablement en avoir besoin, d’apprendre soi-même la différence entre une vraie urgence et ce qui l’est moins.
Le même père
A mon travail, donc, il y a quelques jours, personne n’a su, je crois, que j’ai eu un petit passage à vide. A la maison, non plus, pour les mêmes raisons. Ce matin, je suis resté le même père qui engueule sa fille avant de l’emmener à l’école parce qu’elle traînait. Alors que j’avais tout préparé avec elle une bonne vingtaine de minutes plus tôt pour éviter ce genre de situation. Lors du trajet vers l’école, après quelques minutes de marche, ma fille a mis sa main dans la mienne. Bien-sûr, je l’ai prise. Il arrivera un jour où nous ne nous donnerons plus la main, elle et moi. D’ici là, j’espère être parvenu à lui apprendre ce qu’est une vraie urgence, mais aussi à se défendre et à avoir confiance en elle.
Si Alisha, ce 8 mars 2021….
Si Alisha Khalid, ce 8 mars 2021, avait effectué le trajet jusqu’au viaduc en marchant, j’ai envie de croire que sa mort aurait pu être esquivée.
Ce trajet jusqu’au viaduc où elle a été tabassée puis d’où elle a été jetée dans la Seine, je viens de le faire à pied à l’aller comme au retour. Bien-sûr, là-bas, personne ne m’attendait pour me faire la peau ou me foutre le feu.
A l’aller, comme j’avais du mal à situer où ça se trouvait, j’ai dû demander mon chemin à plusieurs personnes.
14 ans
En Mai, cela fera 14 ans que j’habite dans cette ville. Pourtant, je ne m’étais jamais rendu à cet endroit.
Il y a 14 ans, Alisha venait à peine de naître. Ses deux meurtriers avaient un an tout au plus. Cela nous rappelle qu’il s’en passe du temps, avant de devenir meurtrier. Dans mon premier article ( Alisha, 14 ans, morte dans la Seine ce 8 mars 2021), j’ai écrit que « trois » personnes avaient tué Alisha. Deux garçons et une fille. J’ai dû mal comprendre ou peut-être que c’est une information qui a au début circulé.
J’ai décidé de laisser cette erreur dans cet article.
Deux visages
Cette erreur de « récit » ne change rien : Alisha est morte après s’être faite piégée. On peut aussi se dire que le garçon qui l’a frappé avait, comme nous tous (femmes ou hommes), au moins deux visages. Celui, le plus connu, du garçon tranquille et “sans histoire” ( qu’est-ce que ça veut dire, “être sans histoire” ? Nous avons tous une histoire). Et, ce 8 mars 2021, celui de l’agresseur qui a attendu sa victime qui lui a été apportée en sacrifice sur un plateau.
On peut bien-sûr avoir deux visages, un visage public et un visage plus intime ou plus secret, sans être pour autant un meurtrier ou un criminel.
Mais il se trouve que pour Alisha, le deuxième visage de ce jeune garçon et de sa complice, a été celui, le 8 mars 2021, de deux meurtriers.
Erreur de récit et nombre d’agresseurs
Cette erreur de récit concernant le nombre d’agresseurs d’Alisha ne change rien :
Lorsque des événements subits nous arrivent, nous recomposons et interprétons partiellement, difficilement, et souvent avec des erreurs, les informations que nous recevons.
Parce qu’émotionnellement et intellectuellement, nous sommes limités et qu’il nous faut un temps plus ou moins long pour nous ajuster à l’événement. Pour bien et mieux comprendre. Lorsque nous sommes capables de bien reconstituer le puzzle :
Le trauma et la perte d’un être proche – ou non- peuvent nous empêcher de « comprendre » et de reconstituer le puzzle des événements.
Contributions à la réussite du/d’un crime :
Le 8 mars, le trajet en bus- s’il a eu lieu– a contribué à la réussite du crime. Pour la rapidité du trajet. Car il aurait fallu environ trente minutes, à pied, pour aller jusqu’au viaduc depuis la gare d’Argenteuil. Et un peu plus depuis le lycée. Tout dépend bien-sûr de là où elles sont parties et de là où elles se sont rencontrées pour aller “ensemble” jusqu’au viaduc.
En trente minutes, il faut pouvoir tenir son rôle afin d’endormir la vigilance de la future victime. La complice du jeune agresseur et co-meurtrier avait peut-être la capacité à faire bonne figure. Mais, en trente minutes, on peut, un peu plus facilement à un moment ou à un autre, instinctivement sentir que quelque chose « cloche » dans l’attitude de la personne qui nous accompagne.
A ce moment-là, ce qui permet, ou non, la suite du scénario jusqu’à la mort, c’est peut-être l’optimisme,l’incrédulitéou la naïveté de la victime. Mais, sûrement, d’abord, le sentiment de confiance que la victime ressentait vis-à-vis de celle qui l’accompagnait. Ce sentiment de confiance a suffisamment pris le dessus sur les éventuels doutes que la victime ( Alisha, ici) a pu avoir à un moment donné, lors du trajet.
Car elle « connaissait » celle qui l’accompagnait. Et, à ce que j’ai appris, les lieux où elles se sont rendues toutes les deux étaient pour elle des lieux familiers qui entretiennent aussi la confiance.
Le sentiment de confiance :
Je pourrais être le père ou l’éducateur de ces trois jeunes, d’Alisha, et des deux meurtriers. Je suis un homme plutôt en bonne santé et que l’on décrit plutôt comme une personne que, spontanément, on ne va pas aller provoquer ou menacer dans la rue. Mais je suis aussi un trouillard. J’ai aussi été un ado. Et, je sais qu’ado, on aime bien avoir ses coins à soi, avec des personnes de notre âge, à l’écart des adultes où l’on fait notre vie : on y a notre intimité avec des gens de notre âge ou à peu près.
Je suis incapable de dire, si, ado, j’aurais pu me rendre là où Alisha et l’autre jeune fille se sont rendues ensemble ce 8 mars. Par contre, en m’y rendant tout à l’heure pour la première fois là, je me suis dit qu’il fallait vraiment se sentir en confiance pour y aller. Même en plein jour.
Même si, avant de m’engager dans cet endroit, j’ai vu passer un cycliste qui semblait un habitué de ce trajet.
En bas du viaduc, devant les fleurs posées en mémoire d’Alisha, j’ai ensuite croisé un jogger, qui, en s’approchant, avec ses baskets de la marque Hoka, et en apercevant ces fleurs, a d’abord secoué la tête en signe de désapprobation puis s’est détendu pour me répondre :
De là d’où il venait, le long de la Seine, on pouvait aller loin. Jusqu’à la ville de Saint-Denis ! Et, selon lui, le chemin dans cette direction était meilleur pour faire des footing. Puis, il est reparti sans peine.
Meurtres glaçants :
Ce matin, avant d’emmener ma fille à l’école, j’ai essayé de trouver de nouvelles informations. Car j’avais vraiment du mal à « voir » où pouvait bien se trouver ce viaduc !
Tout ce que j’ai pu trouver comme article remontait à dimanche. Le 14 mars. Il y a deux jours. J’ai compris que pour les média, l’essentiel avait été fait. Couvrir l’événement jusqu’à la marche blanche. Figer les informations. Puis, passer à d’autres sujets. Comme d’autres fois. Comme images ou photos du Viaduc, je trouvais toujours les mêmes. Mais rien pour m’indiquer précisément où cela se trouvait.
Du meurtre, on l’a décrit comme « glaçant ». Même le journaliste Harry Roselmack a employé ce terme. C’était il y a quelques jours. Oui, ce meurtre est « glaçant ». Parce qu’il a fini dans la Seine, dans la noyade et dans le sang.
Mais on parle beaucoup moins de tous ces meurtres, sans traces de sang, sans scène de crime, bien mieux prémédités, où l’on licencie des personnes par centaines et par milliers pour assurer à des actionnaires et à des privilégiés leur marge de profit annuelle.
Cela n’a rien à voir avec le meurtre d’Alisha, vraiment ?!
Il s’agit pourtant de meurtres d’autant plus « glaçants » qu’ils sont routiniers et invisibles. Parlez-en aux proches de celles et ceux qui se font licencier. Ou aux personnes licenciées. Expliquez-leur que tout va bien pour elles et eux. Qu’ils n’ont pas été piégés. Que, personne, n’a endormi leur vigilance. Que, eux, au moins, ils sont vivants. Et qu’ils peuvent rebondir.
Pendant qu’on nous montre, et c’est normal, ce meurtre d’Alisha, on passe sous silence, tous ces meurtres de notre vie quotidienne, que nous subissons et acceptons en bons citoyens éduqués, civilisés, apeurés et désarmés.
Rebondir
Je ne supporte pas ce terme prémâché et formolé.” Rebondir”….telle une balle de tennis à Roland-Garros.
Mais, Alisha, c’est certain, n’a pas pu rebondir le 8 mars. Une fois sur place, tout à l’heure, là où sa vie s’est terminée, je me suis d’abord senti subitement seul ( avant de passer “derrière” le graf et le béton). On ne réagit pas tous avec la même lucidité ni avec la même combattivité lorsque l’on se sent subitement seul. Quel que soit l’endroit, le moment ou les personnes avec lesquelles on se trouve.
Sur le papier, en théorie, ou lorsque l’on se sait entouré de personnes de confiance solides et fortes, on peut peut-être se reposer sur elles ou s’inspirer de leur exemple. Mais, lorsque c’est tout le contraire. Et que l’on est véritablement, et soudainement seul, face à soi-même. Et que toutes les apparences, tous les maquillages et tous les mensonges- les nôtres et ceux de nos agresseurs- qui nous préservent et nous dissimulent disparaissent d’un seul coup, comment fait-on ?
Il fallait vraiment se sentir en confiance, être un(e) habitué(e) de l’endroit ou avoir des intentions pacifiques pour ne pas se sentir menacé sous cette autoroute.
J’ai vu ce qui était sans doute le « domicile » du SDF qui se trouve près de là où Alisha a été passée à tabac. J’ai vu, je crois, les traces de sang que le SDF a désignées quand il a témoigné. J’avais vu la vidéo de son témoignage sur le net.
Je ne l’ai pas rencontré. Mais j’ai vu ses paires de chaussures, l’aménagement de son lieu de vie. J’ai même vu sa paire de gants de boxes accrochée. J’aurais voulu discuter un peu avec lui. Savoir comment on fait pour continuer de vivre après « ça ». Mais aussi, le connaître un peu. Connaître sa vie. Ce qui l’a amené jusqu’à venir vivre ici. Cependant, je n’insisterai pas car je n’ai pas envie de l’enquiquiner ou de faire le voyeur. Et, c’est pour ces raisons que je ne montre pas de photos de son « foyer » ou des traces de sang supposées d’Alisha sur le sol.
Biographie brève des deux jeunes meurtriers :
A ce que j’ai compris un peu de la biographie des deux jeunes meurtriers, ceux-ci ont en commun de ne pas avoir connu leur père. Ou de l’avoir perdu. Alisha était tout le contraire : c’était, à entendre une partie du discours de sa mère, une adolescente heureuse dans une famille plutôt unie, avec un père, et une bonne élève. Elle était aussi jolie.
« Le » meurtrier, lui, n’a pas connu son père et avait beaucoup d’absentéisme scolaire. Même si, une fois à l’école, il semblait plutôt content et dans le coup d’un point de vue scolaire d’après le témoignage de sa mère. Ses absences scolaires semblaient principalement dues au fait qu’il jouait beaucoup aux jeux vidéos. Mais bien d’autres jeunes qui préfèrent passer leur temps devant des jeux vidéos, au lieu d’aller à l’école, ne deviennent pas des meurtriers.
« L’autre » meurtrière, j’ai oublié, si elle était bonne élève. Mais elle était aussi sans père. C’est aussi une jolie fille, apparemment, et celle qui est devenue la petite amie du « meurtrier ». Après qu’Alisha ait eu une histoire amoureuse « d’une semaine » avec lui.
D’après ce que j’ai « lu » ou « entendu » en glanant sur le net, j’en déduis que le tandem qui a tué Alisha était fusionnel.
Devant l’obstacle : préméditation et acharnement
A un moment donné, Alisha, pour eux, a sans doute pris l’apparence de celle qui pouvait devenir un obstacle à leur fusion. Un obstacle, ça s’évite, ou ça se détruit. Ou ça se jette dans la Seine ou dans le vide.
On parle de « préméditation ». On apprendra plus tard peut-être jusqu’à quel point. Pour l’instant, je crois que ce qui a été prémédité, c’est surtout l’embuscade, le passage à tabac ou le règlement de comptes. Ensuite, je veux bien croire que, pour se « débarrasser » du problème, ou sous l’effet de la colère, et parce-que l’endroit s’y « prêtait, qu’Alisha a « fini » dans la Seine. Dans un autre endroit, dans un parc, par exemple, loin d’un fleuve, Alisha ne serait peut-être pas morte de noyade. Mais peut-être d’une autre forme d’acharnement.
Une colère et une tristesse aveugles qui viennent de loin :
J’explique cet acharnement des deux jeunes par une colère et une tristesse – aveugles- qui viennent de loin. De plusieurs années. D’avant leur rencontre avec Alisha au lycée Cognac-Jay. Une colère et une tristesse invisibles, indicibles, qu’ils portaient en eux depuis leur histoire personnelle.
Une colère qu’ils ont « mutualisée » en fusionnant et, dont, la personne et le corps d’Alisha, sont devenus la cible. Je raisonne bien-sûr en « psy Babou » ou en “psy de supermarché ». Je n’ai pas de certitudes sur la façon dont ça s’est passé. Je compose avec ce que j’ai attrapé comme informations à droite, à gauche. Mais je sais que lorsque les mots échouent, les coups peuvent tuer.
Etre puissants :
Je crois, que, lorsqu’ils ont frappé, les deux jeunes meurtriers, ont estimé qu’ils leur fallait frapper fort et être « puissants » pour se guérir ou se libérer d’une offense ou d’une menace qui avait les traits d’Alisha.
Ensuite, après le déferlement ou la bouffée d’adrénaline, est arrivée la redescente sur terre et la prise de conscience. Le : « J’ai fait une bêtise ». Sauf que ce n’était plus une bêtise d’un enfant de cinq ans qui a cassé la jolie tasse de maman ou de papa sous l’effet de la colère. Une tasse que l’on peut réparer, racheter ou oublier.
Non. C’était une personne, cette fois, qui avait pris ou bu la tasse. Après avoir été tabassée. C’était plus grave. Une bêtise de « grand » : de quelqu’un qui a grandi, qui a désormais plutôt une apparence et une force d’adulte mais qui, dans le fond, doit encore apprendre à devenir adulte et à se maitriser. A savoir faire la part des choses entre son intérieur et son extérieur. On a toute une vie pour apprendre ça. Sans prendre pour autant la vie des autres. C’est un travail difficile. Plein de personnes ne réussissent pas à réaliser ce travail. Et, on ne touche pas de salaire pour l’effectuer.
Une heure et quinze minutes :
Sous ce viaduc, après avoir pris des photos et filmé, après avoir fait « le tour », d’un seul coup, je ne savais plus quoi faire de mes mains. C’était le moment pour moi de partir. Je n’avais plus rien à faire là.
Un peu plus tôt, en arrivant et en m’approchant des bouquets de fleurs, comme je l’ai écrit, je me suis senti seul. Et, j’ai entendu un peu un titre de John Lee Hooker où celui-ci confirme à quelqu’un qu’il est seul. Peut-être ce titre où il chante Oh, Come back, Baby, Let’s Talk it Over… One More Time.
On trouvera peut-être que j’en ai trop fait avec ce « fait divers » ( Alisha, 14 ans, morte dans la Seine ce 8 mars 2021, Harcèlement et réseaux sociaux : la démocratisation et la sophistication des guillotines). Qu’il m’obsède par rapport à ma fille ou que je suis excessif. Ou, limite timbré et paranoïaque. Mais, ce n’est pas grave. En tout et pour tout, cela m’a pris 1h15 pour faire l’aller et retour à pied jusqu’à cet endroit.
Je ne vois pas en quoi donner 1h15 de mon temps pour cette marche m’a privé de quoique ce soit. Je ne vois pas pourquoi passer 1H15 dans les rayons d’un supermarché ou pour regarder un énième dvd ou pour zoner sur internet à la place aurait eu plus de valeur.
Je suis désolé si je donne l’impression d’être morbide :
Mais si l’agonie d’Alisha jusqu’à sa mort a sûrement été longue, son passage à tabac puis son rejet dans la Seine a sûrement pris beaucoup moins de temps qu’une heure et quinze minutes.
En m’éloignant du viaduc
En commençant à m’éloigner du viaduc, ce qui devait arriver est arrivé :
Je me suis mis à pleurer.
Mais je n’étais pas détruit. J’ai pensé au navigateur Jean Le Cam lors du dernier Vendée Globe. Lorsqu’il avait compris, vers la fin de la course que son navire, endommagé, aurait pu couler et, lui, mourir avec. Une fois arrivé sain et sauf, à terre, il avait expliqué sur le plateau télé que l’être humain était « bien fait ». Car, pleurer lui avait d’abord fait du bien. Ensuite, il s’était repris.
Je me suis rapidement arrêté de pleurer en m’éloignant du viaduc.
Alors que je marchais dans la rue d’Epinay pour rentrer, la colère que j’ai ressentie, il m’a semblé que rien ne pourrait l’arrêter. Lorsque je suis comme ça, personne, jamais, à ce jour, n’est venu m’enquiquiner.
Une fois, chez moi, j’ai jeté mon masque anti-Covid, j’ai changé de chaussures et je me suis mis à écrire.
Depuis, j’essaie aussi d’écouter un album d’Agnès Obel en me disant que cela ne peut que me faire du bien.
Franck Unimon, ce mardi 16 mars 2021.