C’est un artiste qui pratique un véritable storytelling et qui demeure tout simplement inclassable. Son premier projet, « Imany », est un petit chef-d’œuvre où l’artiste pose les bases de son insatiable envie de dire le monde avec les mots. Et s’il dresse le portrait d’un amour brisé sur « Helsinki », Dinos, le nouveau « poète mélancolique », ne dépasse pas les 3 131 exemplaires vendus en première semaine d’exploitation.
« Du mal à m’ dire que cette histoire est lointaine
Si tu savais comme j’ te déteste, tu saurais à quel point j’ t’aime » — Dinos, Helsinki
Avec « Taciturne » et surtout « Stamina », le lyriciste ouvre son répertoire à de nouveaux horizons, se conforme davantage aux attentes d’un public qui a l’oreille tournée vers ce qui se fait outre-Atlantique. Les certifications pleuvent : or, platine, puis double platine. L’artiste s’en amuse dans « 93 mesures » : « Ne me parle plus comme si j’étais le Dinos d’“Imany”. »
Le Dinos d’Imany, pourtant, est resté. Malgré le succès, les certifications et sans doute l’argent, l’artiste est devenu le joaillier des rimes ; il exprime mieux que personne le malaise d’une génération dont personne ne veut. Ce n’est pas un hasard si Dinos reprend le sample de « Une époque formidable » dans « 93 BPM » pour faire le point sur sa carrière et sa vie :
« Rappelle-toi, on était jeunes, on n’avait pas la haine
On n’avait pas d’ label, encore pire, on n’avait pas d’ tal
J’ repense à toutes les fois où j’ t’ai pas rappelé
Toutes les fois où on s’est pas captés parce que j’avais pas l’ time
On était insolvables, maintenant, on pète les capots
On était des soldats, maintenant, on est des capos » — Dinos, 93 BPMD’où vient ce sample : Quand Dinos rend hommage à The Roots !
Dans son album « Kintsugi », l’artiste utilise le sample de « You Got Me » des The Roots, l’un des titres phares du groupe américain, chanté par Erykah Badu et extrait de l’album « Things Fall Apart ». La version d’origine du refrain avait par ailleurs été écrite et enregistrée par Jill Scott, mais elle a été réenregistrée par Erykah Badu à la demande du label. C’est dans le morceau « Tony Soprano » que le rappeur revisite ce classique des The Roots. Le style du titre se marie d’ailleurs avec la mélancolie d’un rappeur à qui tout réussit… dans le spleen. Comme il le dit lui-même dans « Amaru » :
« Celui qui a écrit mon destin s’est pas réveillé du bon pied. »
Dans « Tony Soprano », l’artiste collabore avec DJ Kore, maître à penser de AWA. DJ Kore est l’un des producteurs les plus talentueux de France. Celui qui a senti que le rap s’ouvrait de plus en plus à de nouvelles influences est à l’origine du projet « Raï’n’B Fever ». Il a collaboré avec les plus grands et dirige aujourd’hui son label d’une main de maître, avec un certain Zola en première ligne. Le sample de « You Got Me » parcourt tout le morceau de Dinos. Malgré ses incursions trap, l’artiste n’oublie jamais d’inscrire un titre mélancolique dans chacun de ses albums. Dans « Kintsugi », « Tony Soprano » remplit ce rôle :
« Prisonnier d’ la fame, prisonnier du rap, ça m’ fait frissonner du fait qu’ j’ sois prisonnier d’ être prisonnier d’ mon blase
Prisonnier des réseaux, prisonnier des follows, prisonnier d’ mes rêves, toujours prisonnier des “Wesh, ça dit quoi frère ?” »
Le rappeur évoque, dans un premier couplet, le mal-être du quartier, puis, dans un second, son propre mal-être. Après le succès et l’argent, Dinos se rend compte que la réussite ne fait pas tout.
Ce morceau prolonge logiquement ses réflexions dans « 93 mesures » :
« J’ m’en rappelle de quand j’ priais pour tout c’ que j’ ai aujourd’hui. »
Dinos utilise clairement l’introspection comme ligne directrice de ses albums. En parcourant ses projets d’« Imany » à « Kintsugi », et malgré l’évolution de l’artiste comme de sa réussite, on constate qu’il conserve une part de mélancolie qui ne l’a jamais quitté — la faute au quartier ? L’usage du sample des The Roots révèle aussi l’étendue de son répertoire et de son bagage culturel.
