Tuesday, September 30, 2025

Djoolaï : faire de ses cicatrices une scène

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ZEZ
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C.E.O HELL SINKY, author, journalist, documentary

1. Pour commencer, est-ce que tu peux te présenter à ceux qui ne te connaissent pas encore ?

Je suis Djoolaï, une voix qui raconte des histoires là où la lumière vacille. Mon univers est une frontière entre le réel et le fantasme, entre les failles et les forces humaines. Chaque morceau est une scène, chaque texte un dialogue intérieur ou un face-à-face. J’aime créer des atmosphères où l’émotion devient palpable, où la musique devient presque un film qu’on écoute les yeux fermés. Ceux qui me suivent entrent dans un voyage narratif où tout peut basculer à chaque seconde.

2. Depuis quand tu chantes ? Et à quel moment tu as senti que tu voulais en faire ton métier ?

C’est ma mère qui a ouvert la première porte. Chez nous, la musique régnait. Des voix de toutes les époques, des mélodies de tous les styles, des rythmes venus de partout. Très vite, ces sons ont traversé ma peau pour s’ancrer dans mes veines. Chanter, écrire, créer… c’est devenu ma manière de respirer. Pas un choix, une évidence. Puis un jour, j’ai senti que ces histoires qui brûlaient en moi pouvaient traverser les autres, comme un film où chacun se reconnaît. À partir de là, tout était écrit.

3. Tu as traversé des périodes compliquées en tant que femme. Est-ce que tu veux revenir sur certaines de ces expériences personnelles ?

Oui. Il y a eu des moments très durs. Des choses qu’une jeune fille ne devrait jamais avoir à traverser. Mais dans cette obscurité, la musique est devenue ma lumière. Mon refuge. Créer, c’est transformer. Aujourd’hui, chaque morceau porte une part de ces ombres apprivoisées. Ce n’est pas une plainte. C’est un langage universel. Faire de mes cicatrices une force créative.

4. Tu évoques aussi une rupture avec un ancien label. Qu’est-ce qui s’est passé ?

Cette rupture n’a pas été simple. On a partagé beaucoup en trois ans. Ce label m’a aidée à structurer mes débuts. Mais parfois, les chemins se séparent, parce que les visions évoluent. Le clip qui n’est jamais sorti faisait partie d’un projet fort, mais le timing n’était pas le bon. On est restés en bons termes, et je garde du respect pour ce qu’on a bâti ensemble.

5. Tu reviens aujourd’hui avec l’EP X et le single « Madonna ». Qu’est-ce qu’il représente pour toi ?

X, c’est une mue lente. J’y ai déposé mes fractures comme on assemble des éclats de verre : coupants mais lumineux. “Madonna”, c’est le cœur battant du projet. Une femme qui navigue entre contrôle et vertige. Clipper ce morceau, c’était lui donner une chair visuelle. Avec X, j’ai repris la caméra. C’est moi qui choisis ce qui se montre.

6. Tu présentes l’EP comme un manifeste électro-rap au féminin. Pourquoi cette direction ?

J’aime l’urgence du rap, mais je voulais la fondre dans des textures électro-pop, cinématographiques. Jouer avec les contrastes, les silences, les crescendos. Mes influences vont de FKA Twigs à Massive Attack. L’électro me permet d’explorer un langage plus visuel, plus sensoriel.

7. Tu as longtemps fait du gangsta-rap. Pourquoi ce changement ?

C’était une époque où j’avais besoin de crier fort. Aujourd’hui, je n’ai plus besoin de frapper pour être forte. J’ai envie d’émotions plus subtiles. Montrer mes failles, ma sensualité. C’est une évolution personnelle, pas un calcul stratégique. Ma musique suit mon mouvement intérieur.

8. Sur l’EP, le morceau « Fantôme à Paris » se démarque. Pourquoi cette adaptation d’Englishman in New York ?

J’avais besoin d’une respiration. Ce morceau rend hommage aux invisibles, aux sans-abris qu’on ne regarde plus. L’exil n’est plus géographique, il est social. La production est nue, épurée, pour laisser place à l’émotion. C’est peut-être le titre le plus fragile de l’EP.

9. Tu as évoqué vivre avec une maladie. Comment arrives-tu à concilier cela avec ta création ?

C’est un équilibre fragile. Il y a des jours où tout devient lourd. Mais la musique, c’est ma thérapie. Créer me redonne du pouvoir. J’apprends à écouter mon corps, à respecter ses limites. Cette fragilité nourrit ma musique. Elle me pousse à plus de sincérité.

10. Des projets en vue ? Un album ?

Oui, l’album est là, en filigrane. Mais je ne veux pas précipiter les choses. X doit vivre. Et puis, il y a eu une fracture intime : la perte de ma mère en novembre 2024. Cette absence a redessiné mon intérieur. Ce vide a ouvert un nouvel espace de création. Le prochain projet sera sans doute plus cru, plus viscéral. Plus libre encore.

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