Tuesday, September 30, 2025

Booba : disséquer le mythe à travers les mots

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C.E.O HELL SINKY, author, journalist, documentary

Introduction : pourquoi compter les mots d’un rappeur ?

Booba fascine autant qu’il divise. Figure centrale du rap français, il incarne depuis plus de vingt ans un archétype unique mêlant violence, puissance, poésie, ironie et vision. Mais comment saisir l’évolution d’un artiste aussi insaisissable, au-delà des albums et des clashs ? En observant ses mots. Littéralement.

Nous avons mené une analyse textuelle précise sur 200 morceaux de Booba, répartis en deux périodes : ses 100 premiers titres (début de carrière) et ses 100 derniers (fin de carrière). L’objectif : identifier les noms propres les plus fréquemment utilisés. Ces noms sont révélateurs. Ils incarnent ses obsessions, ses idoles, ses ennemis, ses territoires, ses doutes. Les suivre, c’est remonter le fil de son évolution artistique et personnelle.

Le résultat est saisissant. Un changement de champ lexical, de posture narrative, presque de personnage. Le Booba de ses débuts n’est pas le même que celui d’aujourd’hui. Et cela se vérifie noir sur blanc.

Partie 1 : les mots de la construction

Dans ses débuts, Booba est en phase de conquête. Il doit s’imposer, affirmer son identité, sa différence, son territoire. Cela se traduit par la récurrence de certains termes : “Hauts-de-Seine” apparaît 16 fois“92i” est cité 15 fois“Booba” et “BB” sont chacun mentionnés 13 fois“OKLM” est utilisé 14 fois, tout comme “Game over”. Il y a aussi “B2O” (13 occurrences), “Glock” (12 fois) et “Knob” (12 fois). Enfin, l’expression “This is my life” revient 16 fois.

Ce vocabulaire est révélateur d’un rappeur en train de construire sa légende. Il s’inscrit dans un territoire (le 92), adopte plusieurs pseudonymes, joue avec les codes du pouvoir, de l’arme, de la performance. Le langage est stylisé, anglicisé, souvent dramatique. Booba, à ce stade, parle surtout de lui. Il bâtit une image.

Partie 2 : les mots du recul

Dans la seconde moitié de sa discographie, le ton change radicalement. Les mots les plus cités ne sont plus les mêmes. En tête : “Ça”, utilisé 44 fois, signe d’un certain flou, d’un regard désabusé. Vient ensuite “Paris” (31 occurrences), symbole de pouvoir mais aussi de chaos. “Pablo” est cité 26 fois“Dieu” 24 fois, et “Désiré Doué” 20 fois.

Contrairement à d’autres noms cités à travers des punchlines éparses, Désiré Doué fait ici l’objet d’un morceau à part entière, ce qui justifie un volume important d’occurrences. Il ne s’agit donc pas uniquement d’une figure récurrente ou d’un symbole diffus, mais d’un cas spécifique où Booba consacre l’intégralité d’un titre à un joueur qui incarne selon lui la précocité, le talent brut et l’inspiration.

Plus loin dans la liste, on trouve “négro” (18 fois), “Gros” (17 fois), “Pourquoi suis-je” (15 fois), “Tchoin” (12 fois) et “Charbonner” (10 fois).

Là où le Booba des débuts s’exposait, celui de la fin s’interroge. Il observe les autres, les figures de pouvoir, de réussite ou de chute. Il parle à Dieu, ou à ceux qui doutent. Il ne fonde plus un empire, il en commente les ruines.

Partie 3 : un changement de posture, pas d’ADN

Ce tournant n’est pas un effacement. Booba n’a pas abandonné son style. Il l’a transformé. Il n’a pas changé de voix, mais de point de vue. Le vocabulaire évolue parce que l’artiste évolue. De jeune conquérant, il devient chef de guerre vieillissant. De roi du bitume, il passe au statut d’oracle désabusé.

Il reste fidèle à ses codes : la loyauté, la rue, le pouvoir, la solitude. Mais il les aborde autrement. Là où il criait, il murmure. Là où il s’imposait, il décrit. Il reste le même, mais dans un monde qui change — et qu’il ne cherche plus autant à dominer qu’à comprendre.

Conclusion : les mots comme miroir d’une carrière

Cette analyse lexicale le prouve noir sur blanc. Booba a traversé les années en adaptant sa langue à son époque, à son âge, à sa position. Il est passé de l’affirmation brute à une forme de narration implicite, presque philosophique. Il n’a pas seulement accompagné l’évolution du rap français, il l’a précédée, voire devancée.

Ses mots sont plus qu’un style. Ils sont une empreinte. Une preuve que, derrière les refrains viraux et les provocations médiatiques, il y a une plume. Et cette plume raconte, sans artifice, l’histoire d’un homme devenu mythe.

Références : corpus utilisé pour l’analyse

Repose en paix, 100-8 Zoo, Animals, De mauvaise augure, Écoute bien, Indépendants, Jusqu’ici tout va bien, Le bitume avec une plume, Ma définition, Nouvelle école, On m’a dit, Inédit, Destinée, Interlude, Les rues de ma vie, Jusqu’ici tout va bien (Remix), Lord son, Alter Ego, Avant de partir, Baby, Bâtiment C, Commis d’office, Hors-saison, La faucheuse, Le mal par le mal, N°10, Pazalaza pour sazamuser, R.A.P., Avant de partir (Edit), Bâtiment C Part II, B.O (Freestyle Radio), Freestyle Radio 1, Freestyle Radio 4, Je perds mon temps/Freestyle Quai 54, La faucheuse (Remix), La lettre (Freestyle Mixtape), Ouest Side, Outro (A1), Intro (Patrimoine du ghetto), Garde la pêche, Boulbi, Boulbi (CSA Mix), 92 Izi, Au bout des rêves, Au fond de la classe, Boîte vocale, Couleur ébène, Gun In Hand, Je me souviens, Le Duc de Boulogne, Le météore, Mauvais garçon, Ouais ouais, Outro (Ouest Side), Pitbull, Intro (Mix-Tape Evolution), Au bout des rêves (Freestyle), Boîte vocale (Freestyle), Boulbi (Freestyle Cut Killer Show), Garcimore, Intro (A2), Je me souviens (Freestyle), Mauvais garçon (Remix), Ouais ouais (Freestyle Planet Rap), Ouest Side (Freestyle), Quoi qu’il arrive, Le D.U.C., Carton rose, Money on My Mind (Remix), B20BA, Illégal, Izi monnaie, Marche ou crève, 0.9, Bad Boy Street, Game Over, Intro (0.9), Izi Life, King, Marche ou crève (Busy P Remix), Pourvu qu’elles m’aiment, R.A.S, Salade, tomates, oignons, Double Poney, A3, Diamond Girl, La vie en rouge, On contrôle la zone, Rats des villes, Caesar Palace, Ma couleur, Jour de paye, Paradis, 45 Scientific, Abracadabra, Boss du Rap Game, Comme une étoile, Fast Life, Jimmy deux fois.


Titres (Fin de carrière) :
A.C. Milan, RTC, Parlons peu, Longueur d’avance, 2.0, Futur 2.0 (Livret), La mort leur va si bien, Je sais (Freestyle Rihanna), OKLM, La mort leur va si bien (Twinsmatic Remix), 3G, Caracas, Billets violets, LVMH, A11 Set, Bellucci, D.U.C, G-Love, Jack Da, Les meilleurs, Loin d’ici, Loin d’ici (Twinsmatic Remix), Mon pays, Move Lang, Mr. Kopp, Ratpis, Fuck Around, Attila, #FélixÉboué, Génération Assassin, 4G, 92i Veyron, Charbon, Comme les autres, Habibi, Pinocchio, JDC, Freestyle Couvre Feu (OKLM), E.L.E.P.H.A.N.T., DKR, Daniel Sam, Nougat, 113, À la folie, Bouyon, Ça va aller, Centurion, Drapeau noir, Friday, Magnifique, Petite fille, Ridin’, Gotham, BB, Booba – BB , PGP, Arc-en-ciel, FREESTYLE PIRATE, GLAIVE, CAVALIIERO, JAUNE, Dolce Vita, 5G, Azerty, Kabila, RATPI WORLD, Mona Lisa, 31, Bonne journée, Dernière fois, GP, Grain de sable, Je sais, L’olivier, RST, Kayna, Plaza Athénée, Dragon, Geronimo, Leo Messi, PRT, GDC, Pablo, Pablo (Remix), KOA, Iste, 6G, Abidal, Bénigni, CVBSP, Dolce Camara, GM, Rebel, Saga, Muay Thaï, Freestyle CKO, Kéur, Ici C’est Paris, Magic, DD.

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