À Paris comme ailleurs, la situation est consternante. En France, près de 70 % des clubs ont fermé leurs portes depuis la fin des années 1980. En Europe et dans le monde, la tendance est identique. Le Watergate à Berlin a mis la clé sous la porte et, à Melbourne, l’érosion culturelle a entraîné la fermeture de la plupart des clubs de la ville. Londres traverse également une crise existentielle du nightclubbing.
Plusieurs facteurs expliquent ce déclin brutal de la fête. Parmi ceux-ci, l’un des plus décisifs est l’avènement de la génération Z, beaucoup moins décadente que la génération X, avec un état d’esprit très différent. Pourtant, la fête n’a pas totalement disparu.
Nightclub : les raisons de la colère
Crise économique oblige, et traumatisme post-Covid, la fête se consomme de plus en plus tôt. En 2014, la part des clubs ouverts après 3 h du matin à Madrid, Amsterdam, Paris et Barcelone représentait 84 à 88 % du total. En 2024, ce taux chute à 76 % pour Paris, 61 % pour Amsterdam, et seulement 43 % pour Barcelone. Seul Madrid résiste avec 89 %, mais une forte baisse est déjà envisagée. Ce phénomène est avant tout économique : la fréquentation tardive baisse drastiquement après 3 h du matin, ce qui rend l’ouverture à cette heure non rentable.
La jeunesse étudiante, frappée de plein fouet par la crise, est aussi concernée : en France, 18 % des étudiants recourent à l’aide alimentaire. Les besoins essentiels tels que le logement et l’alimentation passent avant toute dépense secondaire. Les clubs eux-mêmes souffrent : dans les grandes capitales européennes, éprouvés par la crise du Covid, ils peinent à payer des loyers très élevés. Cette double pression, tant sur l’offre que sur la demande, entraîne de plus en plus de fermetures. Mais les raisons économiques ne sont pas les seules.
Une crise aussi culturelle
La génération Z, interrogée par Le Parisien, est également plus casanière : Je préfère jouer à PlayStation avec des amis
. Plus sage que les générations précédentes, elle boit moins. Aux États-Unis, la part d’adultes de moins de 35 ans déclarant avoir déjà bu descend de 72 % en 2001–2003 à 62 % en 2021–2023. En Espagne, les intoxications éthyliques chez les 14–18 ans passent de 60,7 % en 2012 à 20,8 % en 2023. Au Royaume-Uni, 28 % des jeunes adultes ne consomment pas du tout d’alcool. La consommation de drogue reste quant à elle stable.
Un autre élément appuie cette tendance : la montée du soft clubbing
, mouvement encore avant-gardiste mais en plein essor dans certaines villes comme Denver.
L’avènement des festivals et des house parties
Par ailleurs, l’explosion des festivals de musique, surtout l’été, qui s’achèvent généralement autour de 23 h, contribue culturellement à sceller la fin du nightclubbing au sens classique. Les festivals, très présents, réunissent les plus grands noms de la musique. Le contenu diffère, mais ils répondent pour l’instant aux attentes de la génération Z.
Ce n’est pas seulement une question de PlayStation ou de vie plus saine
. Il s’agit d’un véritable changement d’état d’esprit. Les Millennials privilégient l’intimité des house parties. À Londres, le phénomène prend tellement d’ampleur que le rappeur Stormzy l’a institutionnalisé.
Le roi est mort, vive le roi : les House Party !
Il y a quelque temps, Stormzy et Cream Group ont ouvert House Party, situé au 61 Poland Street, Soho. C’est une maison de sept étages, très conceptuelle, reproduisant les pièces d’une maison typique — salon, chambre d’ado avec ambiance années 2000, tout consacré à la fête. Le concept tranche avec les clubs sélects des années 2000. L’inscription se fait en ligne. Une fois admis, chacun est sur un pied d’égalité : pas de zone VIP ; l’initiative correspond pleinement aux attentes des Millennials.
Cette démarche de Stormzy n’est pas marginale. Le mouvement des house parties prend de l’ampleur, notamment à Londres. Cette génération privilégie les événements communautaires et intimes. Les clubs coûteux, sélects et répétitifs ne leur conviennent plus — ils ont accès à tout, mais n’en ont plus les moyens. Plusieurs organisateurs, comme Lab54, créent des house parties dans des lieux insolites ou subversifs : yachts
, Taco Shops
ou manoirs.
Une enquête de YPulse indique que 63 % des Européens âgés de 13 à 39 ans (Génération Z et Millennials) préfèrent organiser leurs sorties à domicile plutôt qu’en club ou bar. Selon le Financial Times, le concept de house party classique est malmené à cause de la crise du logement : les loyers élevés et la précarité de l’habitat limitent le fait d’accueillir des amis chez soi.
La génération Z, bien que plus casanière que les précédentes, a redéfini la fête. La fin du nightclubbing n’est pas seulement économique : elle reflète avant tout une révolution culturelle, accentuée par la crise du Covid mais amorcée dès le milieu des années 2000.