En France, le Rap se popularise et surtout se démocratise à la fin des années 90′ avec plusieurs collectifs dans lesquels bien sûr on retrouve la FF et IAM pour Marseille, NTM de Seine Saint Denis, Le Secteur Ä de Sarcelles, et également La Mafia K1 Fry dans le 94. A ses débuts, le Rap balbutie. Si aujourd’hui encore, les rappeurs “gangsta” ont quelques difficultés à être diffusé sur les médias “mainstream” à l’époque c’est pire. Des rappeurs comme Rohff issus de la Mafia K1 Fry sont les pionniers dans ce Rap qu’on accepte pas. A cette époque, le R.A.P est l’art des descendants d’immigrés intimement liés à leur histoire douloureuse. Si le père et la mère étaient dociles, la deuxième génération crie vengeance, et ne se contentent pas des restes : “Nos pères étaient des lions, regarde nous devenir des loups”. Dans ce vaste mouvement de libération, le Rap joue un rôle essentiel en tant que “témoignage de la minorité muette”. Dans ce cadre, qu’on soit du 92i, du 94 ou du 93, ROH2F est un fondateur au même titre que Booba, ou encore La Fouine, le Secteur Ä dans son ensemble, Rim-K, Ape ou encore Kery James qui n’a jamais fini de dénoncer. Le premier grand titre du cauchemar du Rap français reste sans aucun doute le titre “Regretté” complètement conceptuel. Ce titre est entré dans la catégorie des plus grands classiques du Rap français.
Le morceau a été composé par un Ponte dans les studios. Il s’agit de Fred le Magicien. Dans ce titre qui dure une dizaine de minutes, Rohff rend hommage aux “frères qui nous ont quitté trop tôt”. A cette époque, le style “gangsta rap” se confond parfaitement avec un Rap qui ne sert pas encore à faire la fête, qui n’est pas encore diffusé en Chicha ni en club. En réalité, en 2005, lorsque “Regretté” sort sur l’album “Au delà de mes limites”, le Rap français est un cri ardent qui transperce le ciel. C’était avant l’arrivée de la Trap, avant que le Rap soit aussi destiné à ambiancer des clubs et des chichas. L’instrumental très 90′ qui tourne en boucle sur dix minutes ne lasse pas. Le flow du rappeur du 94, ses lyrics sont tellement calibrés que personne ne se fatiguent tout au long du morceau. L’autre grand morceau du rappeur c’est bien entendu “Testament”.
Produit par Rohff et son frère Ikbal ainsi que Yung6, extrait de l’album “Le Code de L’horreur”, le titre de l’interprète de “Grande Classe” est tout simplement forgé dans la rage qui a façonné la personnalité de l’artiste. Si beaucoup d’artistes se sont assagis avec l’âge, le frère de IK est loin d’avoir laissé sa revanche au vestiaire. Dans “Testament”, le fondateur revient sur l’héritage qu’il laissera au Rap français. Il serait difficile de réduire la carrière du rappeur à ses deux titres. En effet, la discographie de Rohff regorgent de classique comme “Qui est l’exemple ?”, ou encore “Le son qui tue“, pourquoi pas “La Grande Classe” ou bien “Paris”, et il ne faut pas oublier les titres consacrés aux michtos comme “Zlatana” ou “Starfuckeuze”.
TE PRENDS PAS LA TETE / MEME LES PROPHETES N’ONT PAS MIS TOUT LE MONDE D’ACCORD
Avec son album “Le Code de l’horreur”, le membre de la Mafia K1 Fry décroche un disque d’or en moins d’une semaine. C’est une véritable performance et l’âge d’or d’un Rap qui mêle flow de fer, lyrics fins, puissants et violent et également instrumental évolué qui garde encore quelque chose du Boom Bap originel. Contrairement à ce que pensent certains, ce n’est pas l’arrivée de la Trap avec Kaaris, et les évolutions du Rap qui auront raison de la ténacité de ce rappeur qui a 20 ans de carrière. Rohff a de plus en plus de problèmes avec la justice. Si le clash mythiques des 10′ entre Booba et Rohff a permis aux deux artistes, tous deux fondateurs du Rap français, de connaître un foisonnement artistique extraordinaire, Rohff va déraper. Après un incident dans la boutique Ünkut à Chatelet, le rappeur se retrouve pris dans un embroglio juridique qui ne finit pas de plomber sa carrière. De plus l’art du RAp n’est plus la chose des gangster et des caids, le public veut danser en boite.
Quand il sort “Du Sale” en 2015, c’est la première fois que Rohff parle ouvertement de l’album “Surnaturel”. C’est l’une des premières fois aussi que Rohff tente le son ouvertement club. Le rappeur tente de se conformer à un Rap Jeu plus ludique et moins sérieux. S’ensuivra une série de clips destinés à former la tracklist de “Surnaturel”. Mais là encore, les problèmes judiciaires du cauchemar du Rap français représentent un frein énorme à l’éclosion de cet album qui commencent à devenir sérieusement problématique. Avec Suge Knight, deuxième extrait de “Surnaturel”, dans lequel Parigo, tient le rôle du producteur du Death Row de Tupac et Dr DRe, le rappeur prouve qu’il n’a rien perdu de son bagout et de sa rage de vivre.
Finalement, c’est le “Rohff Game” qui sortira en 2015 sous le signe d’un duel dans les bacs avec son ennemi intime Booba qui pour sa part sortira “DUC”. Pendant plus de 3 ans ensuite, la vie du rappeur est un combat contre les institutions. Maintes fois reportés, l’album “Surnaturel” devient l’enfer d’un rappeur qui combat pour sa liberté, et désormais pour sortir son album de feu. Les plus fervents fans de Rohff se lassent de tous ces reports. Le titre “Détrôné” qu’il sort en featuring avec Nej malgré sa qualité indéniable ne fait pas oublier que l’on attend toujours le neuvième album de Rohff, celui qui devra cloturer cette formidable évolution du rappeur dans un Rap qui lui aussi a beaucoup changé.
Puis hier, surprise, Rohff annonce “Surnaturel” pour le 14 décembre. Un double album que l’on attend depuis au moins 3 ans. L’attente est telle que cet album déterminera l’héritage du fondateur pour un Rap français qui a besoin de ses guides.