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SOUS LES RADARS – JANVIER 2020

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ZEZ
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C.E.O HELL SINKY, author, journalist, documentary

SOUS LES RADARS – Janvier 2020

En fin d’année nous avions publié une sélection de quelques projets underground, qui à notre avis étaient des indispensables 2019. Vos retours, notamment en direct sur mes réseaux sociaux, ont été très positifs, teintés d’intérêt, de curiosité, bref, encourageants. Un grand merci à vous !
Pour donner suite à ces réactions nous avons décidé (avec Bobby la Seiche et Zeze) de créer un rendez-vous mensuel qui présenterait succinctement 3 à 5 projets (frenchies ou kinris) des 30 derniers jours, issus des marécages, parus « sous les radars », loin des lumières et du battage médiatique. Une fois encore le but n’est pas de faire un classement, l’objectif est vraiment de vous donner envie de vous plonger dans ces œuvres, de constater que le talent n’est pas qu’une question de nombre de clics ou de streams, qu’il existe bien des artistes à découvrir, et de, tout simplement, vous donner envie d’écouter « plus loin »…

Sauveur Eloheem – Ataraxie & Chaos.
Sauveur Eloheem est décidément dans une forme éblouissante (c’est le squash !) et hyper prolifique. Le mois de janvier a été parsemé de sorties de singles et surtout de 2 cours EP (4 titres chacun. En tout début d’année ATARAXIE et, la semaine dernière CHAOS. J’ai choisi de présenter les 2 adossés l’un à l’autre car ils sont vraiment dans la même tonalité, très complémentaires et ils s’écoutent en réalité très bien en playlist pour faire un court album de 8 titres. Au fur et à mesure de ses diverses parutions, Sauveur, le jeune rappeur parisien, produit une œuvre intimiste, cathartique, où la fiction se mêle habilement à l’autobiographie, une œuvre oscillant entre dark nihiliste et optimisme raisonné, qui, sans filtre, partage avec nous les atermoiements, les questionnements, qui à un moment ou un autre nous assaillent tous. Alors que ses derniers singles seraient plutôt dans la lignée du « Triple 6 Catharsis », ces 2 Ep sont dans la veine de Chill (son dernier album en termes de compos), plus en lumière, nostalgiques parfois, mélancoliques mais sans être dans le désespoir, dans le questionnement sur le sens de la vie, de l’amour, sur la place de dieu, sur les démons de l’addiction, la tentation de l’abstinent … C’est vraiment l’univers d’un artiste généreux, qui sait se dévoiler pudiquement tout en sensibilité, sans jamais tomber dans la sensiblerie. Bien écrits, comme toujours, ces 2 projets sont merveilleusement servis par des prods de qualités, magnifiant parfaitement le propos et l’ambiance. On évolue aisément dans un environnement qui n’est pas sans rappeler les anciens Tyler ou, mieux encore, les sorties d’Earl Sweatshirt du milieu des 2000. Sauveur s’est toujours démarqué par cette capacité à rapper lentement, cette maîtrise des silences, et par ce timbre immédiatement identifiable. On sent le trajet technique, artistique aussi, la maturité qui gagne, et on attend avec appétit que Sauveur se pose, s’appuie sur ce solide parcours, prenne quelques risques et nous concocte L’ALBUM de la révélation à un plus large public …

https://sauveureloheem.bandcamp.com/album/ataraxie

https://sauveureloheem.bandcamp.com/album/chaos

– Monsieur Saï – Sang d’Encre.
Le rappeur manceau est de retour avec SANG D’ENCRE un vrai bel album, une œuvre incontournable. Côté prods, pour cet album exit les saxos et guitares saturées l’artiste ayant fait appel pour l’occasion à Monsieur Connard (L’axe du Mal) rouage incontournable de la scène rap genevoise – qu’on pouvait également retrouver derrière Moïse The Dude sur Keudar ou certains morceaux d’OG. Le moins qu’on puisse dire c’est que leurs univers sont ultra complémentaires et que le tandem fonctionne à merveille. Les prods froides, expérimentales, sensibles, de Connard collent à fond avec la poésie, la révolte désabusée de Monsieur Saï. Les deux rebondissent, se répondent, se complètent, s’enlacent et se magnifient. Ce qui frappe chez Monsieur Saï c’est la qualité d’écriture. On sent nettement que chaque mot est pesé, à sa place, que chaque phrase est sculptée, polie, ajustée pour ce texte, et ce texte uniquement. On est loin des formules multiformes et fourretout, à mille lieues du freestyle … Que ce soit dans le questionnement sur la marche du monde (et tu crois qu’on sera où quand la bombe elle tombera ?), sur le monde de l’enfance et le rapport aux adultes (là où les monstres s’affrontent) où dans le clin d’œil à Brassens (supplique pour être incinéré un jour de pluie), on est clairement dans la qualité narrative des grands chansonniers (au sens noble du terme), dans le sillage des Brel ou Brassens, dans la poésie, de l’indignation, de la révolte telles qu’un Ferré pouvait les pratiquer. De la très belle-ouvrage, mariant habilement les univers, les ambiances, les idées, poussant au questionnement sur son rapport à l’identité, à la nation, nous replongeant en trois phrases et 2 boucles dans notre enfance (je jure que pendant une fraction de seconde j’ai senti l’odeur du Bois du Parc et que je courrais avec mes cousins vers le Canada) … Pffff !!!! Une réussite et clairement mon coup de cœur de janvier.

https://mauvaissangofficiel.bandcamp.com/album/sang-dencre

– Perso – Chambre Noire
A l’instar de Monsieur Saï, Perso a déjà une belle expérience et rappe depuis plus de 10 ans. Il est membre du crew Turf et a collaboré avec IAM, Faf la Rage, … Le moins qu’on puisse dire c’est que l’expérience du marseillais est vraiment mise en valeur dans ce projet. 8 titres de… RAP. Ni plus, ni moins… du rap et du bon ! Bien servit par les prods léchées de Just Music Beat, PERSO jongle avec les mots, enchaine les directs et te pousse dans les cordes, dans le coin, à l’ancienne … Quelle efficacité dans le texte ! On l’aura compris CHAMBRE NOIRE exhale le parfum des albums de rap « old school », le mec a de la technique, du flow et sait kicker ça ne fait aucun doute, mais tout l’intérêt de ce projet, c’est que, tout en restant fidèle aux bases du genre, PERSO arrive à se dégager du piège de la carricature pour créer une ambiance très actuelle… En 8 titres il crée le pont parfait entre le Old School et le nouveau rap (si tant est que ça ait un réel sens), et on prend un réel plaisir, à s’embarquer dans ce projet, clair, ultra efficace, addictif, et à faire tourner en boucle ce pur album de rap, sans zumba, loin des overdoses d’autotune.

https://perso.bandcamp.com/album/chambre-noire

– Big Ghost Ltd – Carpe Noctem
Big Ghost est au départ un blogueur et un producteur anonyme. Personne ne sait vraiment qui se cache derrière ce pseudonyme, s’il s’agit d’une seule et même personne ou d’un collectif. Il a, entre-autre, été partie prenante du premier projet Griselda (en 2015) avec Conway et Westside Gun, a revisité le Black Album de Jay-Z, et a tous les crédits du Lost Tapes de Ghostface Killah en 2018. Quelques temps « pensionnaire » de l’excellent label Daupe, il vogue aujourd’hui de ces propres ailes sur son propre label Big Ghost Ltd. A l’instar de l’excellent WWCD de Griselda, on est vraiment dans ce projet, à l’essence même du Hip-Hop : 2 platines, des boucles issues de la soul et/ou du jazz, Hector Puente Colon Jr & The Santiago Men’s Basketball Philharmonic Orchestra pour jouer la partie compo et des mecs véner (qui ont plein de trucs à dire) au micro… Pour CARPE NOCTEM, Big Ghost s’est entouré de Rome Streetz, Estee Nack, Rigz, Mooch, Rahiem Supreme, Recognize Ali, Asun Eastwood, Crimeapple (aka Spider-Man to the Avengers), & “Skit Gawd” Lukey Cage…. Les lyrics déferlent avec efficacité et le Son East-Coast est garanti !!! Un bel album et une bonne surprise en ce début d’année plutôt terne en matière de sorties inattendues et qualitatives.

https://bigghostlimited.bandcamp.com/album/carpe-noctem

Zillakami & Sosmula – City Morgue 2 : As Good As Dead.
Sorti en décembre ce projet ne pouvait pas ne pas figurer dans cette sélection, même si on est un peu limite sur les dates (une semaine) … En kinri c’est la vraie bonne surprise de cet hiver, un pur joyau ! On avait découvert City Morgue en 2018 avec le Volume 1 : Hell or High Water, un opus composé de bangers trap métal produits par Thraxx, tous plus efficaces les uns que les autres, sur fond d’histoires ultra violentes de quartiers. Les New-yorkais avaient notamment fait sensation avec un clip hyper réaliste sur fond de conso de drogues, de shoot d’héro face caméra, de kalash et de Glocks… Autant dire que le volume 2 était attendu par les puristes du genre… Première écoute et une évidence : les 2 compères ont su éviter le célèbre écueil du 2ème album, fatal à tellement de formations. Pour cet opus Zillakami et Sosmula se sont attaché les services de Mike Dean (producteur de Houston, véritable légende du Dirty South) en tant que producteur exécutif de l’album (qui met une main additionnelle sur quelques prods mais surtout s’assure de la cohérence de son et d’ambiance du projet, dirige le mix et le mastering). Autre gros changement, Thraxx, jusque-là présenté comme le 3ème membre de City Morgue, et qui était à l’origine de toutes les prods du vol 1 (sur fond de gros riffs de guitares métal) ne produit que 2 titres de l’album (Neck Brace & Toes), les autres prods étant assuré par Yung Germ un jeune producteur totalement inconnu avant cet opus (aaah, la magie d’Internet !). Résultat ? Un album beaucoup plus équilibré entre les bangers et les morceaux plus émos, un opus plus varié, où le grunge et la mélancolie trouvent une place naturelle au milieu de morceaux plus « crus ». Cette ambiance des prods a également eu un impact sur l’écriture de nos compères qui nous livrent des textes plus travaillés, plus personnels, centrés sur leur vie mais également sur leurs ressentis. Comme leur dernier clip THE BALLOONS le démontre, il y a sans conteste un vrai changement de niveau dans cet album et un nouvel angle de discours pour City Morgue qui sort des quartiers pour aller vers des histoires plus sociétales, plus universelles, qui du coup touchent un public beaucoup plus large. A l’arrivée la même claque (et le même besoin d’y revenir encore et encore) qu’à l’écoute des premiers $uicideboy$ … Si un jour vous avez kiffé les $uicideboy$, les Lil Peep (période Benz Truck notamment), les XXXTentacion sans avoir peur des Ho99o9 ( période United States of Horror) cet album est pour vous et, vous serez prévenu, cet album c’est clairement de la dope pure !!!

https://citymorgue.lnk.to/AsGoodAsDeadYD

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